Algérie : comment Cosider a remonté la pente

Le groupe public de BTP était au bord du gouffre à la fin des années 1990. Aujourd’hui, son carnet de commandes déborde et son chiffre d’affaires s’envole. Avec le soutien actif de l’État.

Les autorités ont fait de la société, créée à la fin des années 1970, leur bras armé pour réaliser des infrastructures. © Louiza Ammi/JA

Les autorités ont fait de la société, créée à la fin des années 1970, leur bras armé pour réaliser des infrastructures. © Louiza Ammi/JA

Publié le 5 juillet 2013 Lecture : 5 minutes.

La moisson de contrats n’aura jamais été aussi bonne qu’en 2012 pour Cosider. « Nous avons terminé l’année avec un plan de charge de plus de 500 milliards de dinars [4,7 milliards d’euros, NDLR] contre 200 milliards de dinars en 2011 et 153 milliards en 2010 », se réjouit Lakhdar Rekhroukh, 54 ans, PDG du géant public algérien du BTP. Parmi les grands projets décrochés figurent la réalisation de trois lignes ferroviaires (117 milliards de dinars), la construction de 30 000 logements pour le compte de l’État, la réalisation d’un gazoduc de 309 km dans le sud du pays, l’édification de deux barrages hydrauliques (12,2 milliards de dinars) et de ponts (28 milliards de dinars), le réaménagement de l’oued El-Harrach, à Alger, et des ponts d’Alger et de Mostaganem (16,5 milliards de dinars), trois hôpitaux et des équipements administratifs (47,3 milliards de dinars)… À ces projets s’ajoutent les contrats conclus avec le ministère de la Défense nationale, l’un des plus gros clients de Cosider.

 « Les prévisions de clôture pour 2012 augurent d’une progression d’environ 20 % des résultats enregistrés, tant en chiffre d’affaires et en valeur ajoutée que pour les bénéfices », précise le PDG. Un retour à la croissance après la baisse de 1 % enregistrée en 2011 (à 62,4 milliards de dinars), due principalement au retard pris dans le lancement du plan public quinquennal 2010-2014 (de plus de 200 milliards d’euros) et à l’obligation faite aux entreprises publiques d’appliquer le code des marchés publics, qui, selon Lakhdar Rekhroukh, a fortement ralenti leur fonctionnement. Mais malgré la stagnation de son chiffre d’affaires en 2011, Cosider était resté rentable. L’excédent brut d’exploitation avait bondi cette année-là de 24 %, à 14,7 milliards de dinars, tandis que le résultat net progressait de 21 %, à 8,7 milliards de dinars.

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Après une belle année 2012, 2013 devrait être aussi profitable, prévoit le PDG.

Parlement

Après une belle année 2012, 2013 devrait être aussi profitable, prévoit Lakhdar Rekhroukh : « Les projections pour cette année sont en cours d’élaboration. Les niveaux de croissance resteront du même ordre si ce n’est plus élevés, avec l’amélioration de l’environnement de l’entreprise. » Le groupe est candidat, en partenariat avec le français Vinci, à la réalisation du siège des deux chambres du Parlement algérien dans le futur centre administratif d’El-Hamma, proche du centre-ville, pour plus de 50 milliards de dinars. Il envisage également une coopération avec le groupe français dans le bâtiment. « Nous sommes en train de travailler avec Vinci sur une offre commerciale à proposer au ministère de l’Habitat pour réaliser des logements avec la qualité requise », affirme le PDG. Cosider est également en lice pour la construction de nouvelles lignes du métro d’Alger comme celle qui reliera El-Harrach à l’aéroport d’Alger, dans la banlieue est de la capitale. 

Si l’entreprise en est là, c’est principalement à l’État, son actionnaire, qu’elle le doit. Elle a en effet obtenu une bonne partie de ses contrats publics de gré à gré. Le gouvernement a recours à ce mode de passation de marchés pour accélérer la réalisation des projets et donner du travail aux groupes publics. Cette politique a permis aux autorités de faire de la société, créée à la fin des années 1970, leur bras armé pour réaliser des routes, des logements, des lignes ferroviaires, des barrages, des immeubles administratifs, des infrastructures militaires, etc., réduisant ainsi leur dépendance vis-à-vis des groupes étrangers. Financièrement, l’État joue également son rôle, et Cosider a bénéficié en 2009 d’un crédit à taux bonifié de 25,7 milliards de dinars du Fonds national d’investissement (FNI) pour l’acquisition et le renouvellement d’engins de chantier.

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De plein fouet

Difficile aujourd’hui d’imaginer qu’à la fin de la décennie 1990 Cosider était au bord du gouffre. « Les années 1990 ont été très difficiles. Il y a eu les dévaluations subites du dinar, l’inflation galopante, le manque de projets d’équipements et la destruction de notre matériel par les terroristes », détaille Lakhdar Rekhroukh. Le groupe a également subi de plein fouet la raréfaction des projets d’équipements, les licenciements massifs et la fuite des élites vers l’étranger. 

À la fin de la décennie, avec le recul des attentats islamistes et la hausse du prix du pétrole (donc des recettes de l’État), le sauvetage de Cosider commence. En 1998, la Banque extérieure d’Algérie (BEA, publique), première banque du pays, rachète 55 % de son capital pour 4,3 milliards de dinars. « C’était une véritable bouffée d’oxygène, mais ce n’était pas suffisant. Nous avions une dette de 16 milliards de dinars pour un chiffre d’affaires de 12 milliards. Le coût du découvert bancaire était colossal. Le groupe était en très grande difficulté financière », raconte Lakhdar Rekhroukh, ingénieur issu de l’École nationale polytechnique d’Alger, qui a rejoint Cosider en 1985 avant d’en devenir le PDG en 2002.

En 2003, Rekhroukh lance un plan de relance, au moment où l’État commence à investir massivement pour reconstruire un pays durement touché par dix ans de guerre civile. « Notre chiffre d’affaires est passé de 18 milliards de dinars en 2003 à 35 milliards en 2005. Les effectifs ont augmenté en moyenne de 1 000 salariés par an depuis. Nous avons mis en place un nouveau mode de gestion basé sur la solidarité entre les filiales [dix, NDLR] du groupe, la rigueur, le respect du client et des engagements », résume le patron. 

Une stratégie qui a fini par porter ses fruits. L’entreprise envisage aujourd’hui de s’internationaliser, mais veut aussi conserver ses positions sur le marché local, face aux concurrents redoutables que sont le groupe privé algérien ETRHB Haddad, mais surtout le géant public chinois CSCEC (lire pp. 16-17), les espagnols OHL et FCC Construcción, l’égyptien Orascom Construction Industries ou les français Vinci et Bouygues. En 2011, Cosider a perdu le contrat symbolique de construction de la Grande Mosquée d’Alger, attribué à CSCEC pour 1 milliard d’euros.

HS32p057Question à Lakhdar Rekhroukh, PDG de Cosider

« Nous voulons travailler à l’international »

Jeune Afrique : Avez-vous des objectifs à l’international ? 

Lakhdar Rekhroukh : Nos objectifs à moyen et long terme sont de relever encore les niveaux de maîtrise des métiers du BTP de manière à gagner plus de parts de marché en Algérie. Cela devrait nous permettre, avec notamment l’accompagnement des instances concernées, de travailler à l’international afin de contribuer substantiellement à l’augmentation des exportations hors hydrocarbures.
Cliquez sur l'image.

Combien allez-vous investir dans les prochaines années ?

Nous allons consacrer 2 milliards de dinars [19 millions d’euros, NDLR] sur cinq ans à la formation du personnel. En 2013, nous comptons investir 10 milliards de dinars et pour les autres années, nos investissements seront en moyenne de 7 à 8 milliards de dinars par an, essentiellement pour l’acquisition de matériel de chantier.

Cosider envisage-t-il d’entrer en Bourse pour financer sa croissance ? 

À court terme, ça n’est pas une préoccupation. 

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