P.-S. pour adultes

Je connaissais les accidents de la circulation, les accidents cardio-vasculaires et autres pépins de parcours, mais je n’avais jamais entendu parler d’« accidents auto-érotiques ». Il a fallu la mort d’un acteur américain, survenue le 3 juin dernier, pour que je découvre cette manière étrange de mourir. Rendu célèbre par un téléfilm popu­laire des années 1970, puis redécouvert grâce au film Kill Bill de Quentin Tarantino, le malheureux a été retrouvé le cou et le sexe attachés par une corde elle-même pendue à une armoire, ce qui a orienté les enquêteurs vers la thèse dudit « accident auto-érotique ».

Fawzia Zouria

Publié le 24 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

De fait, j’ai beaucoup de mal à accoler les mots accident et éro­tique. D’accord, on dit de la jouissance qu’elle est une « petite mort », mais il s’agit là de la grande mort – bien définitive, celle-là. L’érotisme est en outre une entreprise ludique qui suppose jeu et volupté, préliminaires bien sûr, mais pas de mauvaises surprises, encore moins d’issues tragiques, même quand il y est question de lanières et de fouets. Bref, je situe tellement l’érotisme du côté de la vie qu’il m’est impossible de l’envisager comme une cause de trépas.

Et puis, quelqu’un peut-il m’expliquer ce qu’est « l’auto-érotisme » ? Un acte amoureux dispensé à soi-même, me dira-t-on. L’équivalent de l’automédication, sur le plan de la santé ou, sur celui du langage, de l’autodérision. C’est peut-être, tout simplement, un mot « politiquement correct » pour dire masturbation. N’empêche. L’érotisme suppose un partenaire, une présence même distanciée, un regard même voyeur, n’importe quoi, mais un plaisir partagé. Bref, si j’essaie, malgré tout, de comprendre, je pourrais conclure à une tentative pour jouir de soi-même qui vous transforme en votre propre bourreau.

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Par ailleurs – et vous avez le droit de me traiter de gourde –, je ne savais pas que le fait de s’attacher le sexe et le cou et de tirer à tout rompre pouvait vous rendre heureux un bonhomme. Et pour une femme ? Se pendre par les cils et la toison, est-ce un exercice menant au septième ciel ?

Dernière question : pourquoi un célèbre acteur, ayant une multitude de partenaires possibles, s’enferme-t-il pour se faire l’amour tout seul au moyen de périlleuses pratiques ? Il y a plusieurs hypothèses : peut-être était-il devenu impuissant et tenait-il à faire redémarrer la machine à tout prix ; ou bien c’est la vieillesse vécue de manière tragique par certains hommes qui ne veulent pas admettre que chaque chose a une fin et que, quand ça ne fonctionne plus, il vaut mieux laisser tomber que de faire des acrobaties risquées… À moins que ce ne soit une expérience pilote destinée à épater un futur partenaire. Ou encore, tout simplement, le mal de la solitude absolue, celle qui nous amène à détester nos frères humains et à préférer se servir tout seul. Auquel cas je conclurais tristement que la liberté sexuelle n’est pas – loin de là – un rempart infaillible contre la dérive solitaire. Sentimentalement parlant, enfin, j’avancerais surtout que notre pauvre Américain est plus à plaindre que ce jeune Russe dont la petite amie, il y a deux semaines, a fait exploser le zizi après l’avoir entouré de pétards au motif qu’elle soupçonnait son amant de vouloir la quitter ! Certes, le crime passionnel est moins original – et plus fréquent – que « l’accident auto-érotique ». Mais si le Russe a frôlé le pire, lui, ce n’est pas par manque d’amour. Bien au contraire !

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