En attendant de rentrer chez eux
Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés
Le 20 juin était la Journée mondiale du réfugié, l’occasion de penser aux millions de personnes déracinées dans le monde qui attendent toujours de rentrer chez elles. Elles font partie des personnes les plus vulnérables et elles doivent constituer une priorité. La communauté internationale, qui s’est sentie obligée de dépenser des centaines de milliards pour secourir les systèmes financiers, devrait également ressentir l’obligation de secourir des personnes dans une situation de besoin aussi désespérée.
Il y a actuellement quelque 42 millions de victimes de conflits et de persécutions dans le monde, réfugiés ou déracinés à l’intérieur de leur propre pays, dont un grand nombre depuis des années. Parmi eux, il y a près de 6 millions de réfugiés qui se trouvent exilés – pour la plupart dans des camps – depuis cinq ans ou plus dans des situations que les humanitaires appellent « situations de réfugiés prolongées ». Ces situations n’incluent cependant pas les millions d’autres personnes déracinées qui sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Un grand nombre d’entre elles sont également dans l’incapacité de rentrer chez elles, parfois depuis des décennies.
Bien que le droit international fasse une distinction entre les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, ces distinctions sont absurdes pour les personnes contraintes de quitter leur foyer et qui ont tout perdu. Les personnes déracinées méritent la même assistance, qu’elles aient ou non franchi une frontière internationale. C’est la raison pour laquelle le HCR coopère avec d’autres agences de l’ONU pour fournir aux déplacés internes l’assistance dont ils ont besoin, de la même façon que nous le faisons pour les réfugiés.
En attendant de trouver une solution, les réfugiés comme les déplacés internes ont besoin de nourriture, d’abris, de soins médicaux, d’assainissement, de sécurité, d’écoles pour leurs enfants et d’autres produits de base. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne reçoivent pas ce dont ils ont besoin. Au Cameroun, par exemple, les réfugiés originaires de la République centrafricaine connaissent un taux de malnutrition sévère de 17 % chez les enfants, les taux de mortalité dans certains endroits atteignant des chiffres sept fois supérieurs à ce qui est normalement considéré comme le niveau d’urgence. Moins d’un tiers des filles réfugiées fréquentent l’école.
Les pays d’accueil pauvres, qui sont les moins bien lotis pour assumer cette responsabilité, paient le prix fort. En dépit des rumeurs alarmistes propagées par des politiciens et des médias populistes faisant état de « flots » de demandeurs d’asile dans certains pays industrialisés, la réalité est que 80 % des réfugiés dans le monde se trouvent dans les pays en développement, de même que la grande majorité des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Quand les conflits se prolongent en l’absence de solutions politiques, la pression sur beaucoup de ces pays en voie de développement tend vers le point de rupture. Ils ont besoin de davantage d’aide internationale.
Notre capacité à fournir de l’aide à ceux qui en ont le plus besoin est gravement mise à mal par le rétrécissement de l’« espace humanitaire » dans lequel nous devons travailler. Les conflits changent de nature et il existe une multiplicité de groupes armés – dont certains considèrent les humanitaires comme des cibles légitimes.
Nous sommes aussi confrontés à un durcissement des attitudes en matière de souveraineté de l’État, en particulier dans les situations de déplacement interne. La distinction entre les humanitaires et les militaires risquent de s’estomper, surtout dans les situations de maintien de la paix où il n’y a aucune paix à maintenir. Enfin, la crise économique globale, les énormes disparités entre le Nord et le Sud, la xénophobie croissante, le changement climatique, l’éclatement incessant de nouveaux conflits et le caractère insoluble des vieux conflits menacent d’exacerber ce problème de déplacement déjà massif. Nous nous battons pour y faire face.
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