Fantômes
On pourrait appeler « mot fantôme » un mot qui a disparu depuis longtemps… mais dont les dérivés se portent très bien ! Par exemple ouvrer, c’est-à-dire « travailler », n’est plus du tout employé alors que ses dérivés ouvrage et ouvrier sont là et bien là. Sans compter le fameux ouvrable, qui survit dans l’expression « jour ouvrable » et dont beaucoup croient, à tort, qu’il vient du mot ouvrir…
Je me souviens un jour avoir utilisé l’expression « sasser et ressasser » dans un de mes romans. Mal m’en prit : le correcteur biffa impitoyablement le mot sasser (passer au sas, trier) au motif qu’il n’existait pas. Exact ! C’était un mot fantôme que je voulais naïvement ressusciter. « Pourquoi ressasser et pas sasser », demandai-je ? « Parce que », répondit le correcteur inébranlable.
Autres exemples ? Maussade est bien vivant mais sade (= agréable) s’est pour ainsi dire évaporé, alors que maussade en dérive par préfixation de mau (« mal » en ancien français). Conduire, réduire, déduire et produire se portent très bien (et peuvent encore nous séduire) mais leur ancêtre duire a totalement disparu de la circulation. Tout comme soudre (ne pas confondre avec sourdre) qui n’existe plus qu’à travers ses petits-enfants dissoudre, absoudre et résoudre. Des petits-enfants ingrats qui font leur vie sans se préoccuper de l’ancêtre. La vie des mots et la vie tout court présentent parfois des similarités étonnantes…
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