Ambassadrices cap-verdiennes

En vingt ans, les artistes originaires des dix Perles de l’Atlantique ont acquis une renommée internationale. À l’image de Sara Tavares, Lura et Mayra Andrade.

Publié le 24 juin 2009 Lecture : 4 minutes.

La voix est douce et cristalline. Côté instruments, la chanteuse d’origine cap-verdienne Sara Tavares ne s’encombre ni de détails ni de superflu. Une guitare acoustique et des percussions suffisent à son bonheur. Et au nôtre. Son dernier album, Alive ! In Lisboa (World Connection), est un double CD-DVD qui rassemble ses deux précédents opus agrémentés d’un concert enregistré en 2007 dans la capitale du Portugal (où elle est née en 1978). Il est la marque de la vitalité des artistes du monde lusophone.

Alors que le premier album, Mi Ma Bô, produit par Lokua Kanza (Sony BMG) en 1999, résonne pop africaine, le second, Balancê (World Connection), sorti en 2006, est un savant dosage de sons traditionnels du Portugal où se mêle la créolité cap-verdiennne mâtinée de sensualité brésilienne. La personnalité de Tavares n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de la chanteuse Marisa Monte. Son jeu est intimiste, dépouillé. Ses textes, ses mélodies, ses arrangements respirent l’amour et l’estime de soi.

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Le DVD live confirme qu’à 31 ans la belle Sara assoit sa notoriété parmi la longue liste des dignes représentants du monde lusophone en général, et du Cap-Vert en particulier. Car s’il est un secteur qui symbolise à la fois l’influence de ce pays dans le monde et une marque de fabrique nationale, c’est bien la musique.

Véritables ambassadeurs, les musiciens cap-verdiens ont donné à l’archipel une résonance particulière. Cela vaut notamment pour les chanteurs et les chanteuses. Vingt ans ont suffi depuis les premiers albums de la plus connue – Cesaria Evora – pour que les sonorités de l’archipel se taillent une place de choix dans l’industrie du disque.

Médaille d’or

Une évolution rendue possible grâce à la témérité d’une poignée d’aficionados qui, à l’instar de Gilbert Castro du label Mélodie ou de José da Silva, fondateur du label Lusafrica en 1992, ont sorti ces artistes de l’isolement tout en donnant aux dix Perles de l’Atlantique leurs véritables lettres de noblesse.

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Les musiques cap-verdiennes auraient-elles été aussi connues sans le phénomène Evora, qui a embrasé l’Europe au début des années 1990 avec son double disque d’or, Miss Perfumado ? Toujours est-il que la Diva aux pieds nus continue d’arpenter les scènes à la joie du plus grand nombre, en particulier du public français, qui l’accompagne depuis ses premiers succès sans jamais lui avoir tourné le dos.

Mais Evora est bien plus qu’une grande dame derrière laquelle les wagons de la musique de l’archipel se raccrochent les uns après les autres. Directement ou indirectement, elle a créé une forte émulation auprès des artistes de son pays. Tous les artistes. Des plus anciens comme Morgadinho ou le saxophoniste Luis Morais (fondateur du groupe Voz de Cabo Verde) décédé en 2002, qui lui a composé des morceaux comme « Cize », aux plus jeunes comme Maria Alice, qui fera sa première partie à l’Olympia en 1993. Ou encore Teofilo « Fifi » Chantre, qui lui donnera également plusieurs titres.

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Lancés sur ses traces, des jeunes plus ou moins confirmés provoquent actuellement une véritable lame de fond. Aussi belles que talentueuses à l’image de Sara Tavares, influencées par l’auteur Orlando Pantera disparu en 2001, les chanteuses tiennent le haut du pavé. C’est le cas de Mayra Andrade. Née à Cuba en 1985 de parents cap-verdiens, elle reçoit à 16 ans la médaille d’or de la chanson aux Jeux de la francophonie, à Ottawa, au Canada. Après un duo avec le chanteur français Charles Aznavour et la sortie de son premier album, Navega (« Sur les flots »), en 2006, elle est consacrée en avril 2008 révélation de l’année aux BBC Radio 3 Awards for World Music. Portée par son succès, elle a sorti un nouvel album, Storia, Storia, le 8 juin dernier.

Charme acoustique

Née à Lisbonne en 1975, Lura a pour sa part chanté en duo avec la star angolaise Bonga et a signé en 2004 un premier album remarqué, Di korpu ku alma (Lusafrica), puis M’bem di fora deux ans plus tard (Sony BMG). Coloré de son timbre grave et sensuel, son nouvel et bouleversant opus, Eclipse, sorti fin mars dernier chez Sony BMG, est sans doute le plus abouti de sa courte carrière.

Et sans oublier Mariana Ramos. Née à Dakar, la fille du musicien Toy de Bivia Ramos rencontre le succès avec son troisième album, Mornador, sorti en 2008.

Face à ce charme acoustique, les hommes ne sont pas en reste, à l’image de Manuel Lopes Andrade, dit Tcheka, 36 ans, prix RFI Musiques du monde 2005. Principal représentant du style batuque – le rythme de l’île de Santiago dont il est originaire –, il a sorti Lonji chez Lusafrica en 2007, un troisième album tout en finesse, entre Afrique et Brésil, produit par le chanteur-guitariste brésilien Lenine.

Le Cap-Vert est riche de ses artistes. Presque trop. Une bonne quarantaine sont parvenus ou parviennent à « percer » aux États-Unis et en Europe. Les raisons de ce succès se trouvent dans le soutien inconditionnel de la forte diaspora, mais aussi dans le foisonnement des sons et des rythmes de ces îles, dont chacune porte ses propres couleurs musicales. De la coladeira de São Vincente à la morna de Boa Vista en passant par la funana de Santiago. Il n’y a pas une musique, mais des musiques cap-verdiennes. La suavité de la langue portugaise, dont les Brésiliens montrent toute l’étendue, s’occupe du reste, en particulier à travers la morna, sorte de saudade (« mélancolie ») si caractéristique.

D’autres artistes cap-verdiens n’en demeurent pas moins attirés par la tentation du succès commercial, et donc de la facilité. Celle du cabo love ou du cap zouk (zouk enflammé élaboré à partir de dialectes locaux et de rythmes rudimentaires). Il ne faudrait pas que cette synthèse de style, pour touristes peu exigeants, que l’on retrouve dans la funadance ou la coladance, n’en vienne à travestir l’essentiel de l’âme et du génie musical de ce pays. 

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