Les télécoms africaines résisteront à la crise

Senior manager telecoms & media, Standard Bank Plc

Publié le 24 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

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Télécoms, à l’heure des grandes manoeuvres

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A l’heure où des pans entiers de l’économie mondiale connaissent des baisses d’activité considérables, quelles sont les perspectives pour les télécommunications en Afrique, dont le dynamisme ne se dément pas depuis 2002 ? La crise financière a rendu l’accès au crédit plus cher et moins aisé, y compris pour les emprunteurs les plus solvables. L’opérateur national du Qatar, l’un des plus grands pays exportateurs de gaz au monde, a ainsi dû emprunter 1,5 milliard de dollars avec une marge de 2,5 %, soit dix fois plus que la marge de 0,225 % qu’il avait obtenue trois ans auparavant. Cette situation affecte directement les opérateurs en Afrique car ils ont nécessairement recours au crédit pour financer leurs investissements massifs. De même, les effets de la baisse des prix des matières premières et de la diminution des transferts des migrants à leurs familles restées au pays, qui affectent la croissance économique de nombreux pays africains, amènent les consommateurs domestiques à réduire leurs dépenses, notamment celles de communication.

La baisse de chiffre d’affaires qui menace les opérateurs de téléphonie africains sera d’autant plus importante que la concurrence s’intensifie dans de nombreux pays. Soit de nouvelles licences sont octroyées, soit de grands opérateurs font leur entrée en rachetant de plus petits à cours de liquidités. Bintel est ainsi devenu le quatrième opérateur au Gabon ; le Kenya est passé de deux opérateurs en 2007 à quatre, un an plus tard, avec notamment l’arrivée d’Orange. Ce dernier se lançant par ailleurs en Ouganda, qui comptait déjà quatre opérateurs. Pour s’établir, les nouveaux venus n’ont souvent d’autre choix que d’offrir des tarifs promotionnels, comme Orange au Kenya : 0,0149 dollar la minute, soit moins de 10 F CFA. Cette guerre des prix, si elle fait le bonheur des consommateurs, se joue au détriment de la rentabilité. Entre décembre 2008 et mars 2009, la marge brute d’exploitation de Zain au Congo a baissé de 40 % à 25 %. Au Kenya, elle a plongé dans le rouge.

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Les actionnaires ont déjà anticipé cette évolution, et la capitalisation boursière des groupes de télécoms a chuté vertigineusement. L’action Orascom Telecom a perdu près de 60 % de sa valeur en un an, MTN 19 %, Sonatel 41 % et Zain a baissé de 24 % depuis novembre. Toutefois, il est probable que les investisseurs, comme souvent, aient réagi avec excès. Les opérateurs résistent de manière vigoureuse à la crise et les perspectives à long terme du secteur demeurent positives. À 37 % à la fin de 2008, le taux de pénétration du téléphone mobile en Afrique subsaharienne reste très inférieur à celui des autres régions du monde, ce qui continue de représenter un important gisement de clientèle pour les principaux acteurs des télécoms. La croissance demeurera par conséquent élevée au cours des cinq prochaines années au moins, comme elle a été soutenue en 2008 : le nombre d’abonnés de MTN a augmenté de 48 %, celui de Tigo de 63 %, ceux d’Orange et de Zain de 39 % et 50 % respectivement.

En outre, le fossé numérique reste béant. 70 % de la population d’Afrique subsaharienne vit en milieu rural. Bien que de rares pays comme l’Afrique du Sud approchent du seuil symbolique de 100 % de la population ayant accès à la téléphonie mobile, la moyenne demeure juste au-dessus de 50 %, soit seulement dix points de mieux qu’il y a quatre ans. Cela constitue un autre gisement de croissance et la clé du succès pour les opérateurs qui sauront offrir à ces populations des services à moindre coût.

La situation actuelle pourrait enfin conduire à une modification radicale du paysage africain des télécoms, avec la constitution à plus ou moins long terme de trois grands groupes qui le domineront quasi entièrement. Cette consolidation a déjà commencé et devrait s’accélérer d’autant plus qu’en ce moment les actions des opérateurs cotés en Bourse sont peu chères – à condition évidemment que les « chasseurs » disposent de suffisamment de liquidités car ils ne peuvent guère compter sur le soutien des banques. Au final, cette crise, qui n’en est pas vraiment une pour les opérateurs de téléphonie mobile en Afrique, devrait les inciter à revenir à l’essentiel : vendre des services de télécommunications aux populations du continent. La moitié des Africains n’y ont toujours pas accès.

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