Quels relais de croissance ?

La clientèle continue de progresser, mais la rentabilité des activités diminue. Pour résoudre cette équation, les opérateurs disposent de trois moyens d’action.

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Publié le 24 juin 2009 Lecture : 5 minutes.

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Télécoms, à l’heure des grandes manoeuvres

Sommaire

La deuxième bataille des télécoms africaines est engagée. La première, qui se déroulait depuis dix ans, a été largement remportée, les opérateurs ayant réussi à « imposer » le téléphone portable en Afrique. Les résultats obtenus continuent de surprendre plus d’un observateur. Avec 63 millions de lignes, le Nigeria est devenu le premier marché, loin devant l’Afrique du Sud (48 millions) et l’Égypte (44 millions), plus riches, où la « greffe » avait le plus de chances de prendre. Et plusieurs pays affichent des taux de croissance stupéfiants, comme la Guinée, où le nombre d’abonnés a doublé deux fois en deux ans, le Burundi (+ 121 % en 2008), le Niger (+ 99 %), le Rwanda (+ 98,5 %) ou encore le Bénin (+ 89 %). Douze pays du continent se placent dans les vingt plus fortes progressions mondiales en 2008, même si la croissance a été un peu moins importante l’an dernier – 35,4 %, à 380,5 millions, selon Informa Telecoms & Media – qu’en 2007 (43 %). « Le taux d’équipement reste très bas en Afrique subsaharienne, qui continue de représenter un important gisement de croissance », explique Fabrice Nze-Bekale, de Standard Bank (voir p. 84).

Mais les temps sont plus difficiles pour les opérateurs. Les futurs clients se situent hors des villes, ce qui nécessite d’importants investissements pour étendre la couverture des réseaux. Quant aux clients existants, ils dépensent de moins en moins. « La tendance déclinante se poursuit, à l’instar de ce qui se passe dans les autres régions du monde. Les revenus par utilisateur diffèrent d’un pays à l’autre, mais ils baissent partout », souligne Devine Kofiloto, consultant chez Teleplan. Une diminution que quantifie Informa Telecoms & Media : le chiffre d’affaires moyen par utilisateur (Arpu, Average Revenue per User) devrait passer de 11,50 dollars par mois en moyenne cette année en Afrique – avec des écarts allant de 31 dollars en Guinée équatoriale à 4,70 dollars au Mozambique – à 10,30 dollars en 2011. Parmi les causes du phénomène figure l’accroissement de la concurrence sur la plupart des marchés, qui pousse les opérateurs à baisser les prix.

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La diversification des sources de revenus est donc la première arme de la nouvelle guerre des télécoms africaines, dont 98,5 % du chiffre d’affaires provient des simples appels.

1. La banque mobile

Premier outil, très à la mode, le m-banking, ou m-paiement. Il s’agit de proposer des services bancaires de base – retrait, dépôt et transfert d’argent – à des clients équipés d’un téléphone portable (environ un tiers de la population en Afrique subsaharienne) mais dépourvus de compte en banque (moins de 5 % de la population est bancarisée). Après Safaricom, qui a lancé M-Pesa au Kenya il y a deux ans, plusieurs groupes ont sauté le pas. Orange a lancé Orange Money en Côte d’Ivoire à la fin de 2008 et devrait bientôt faire de même au Mali et au Sénégal. En février, Zain a mis en route Zap, un service assez proche, réservé pour l’instant à l’Afrique de l’Est. « Nous disposons d’une base de plus de 100 millions de clients potentiels au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, dont la plupart n’ont jamais eu accès à des services financiers formels », annonce la direction de Zain. « C’est un service très important, un moyen de renforcer les liens avec le client », souligne Frédéric Bléhaut, directeur de cabinet de Marc Rennard, le directeur exécutif international d’Orange pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. À terme, la banque mobile pourrait booster le chiffre d’affaires et les bénéfices des opérateurs. Mais pour l’instant, le bilan est modeste. Deux ans après son lancement, M-Pesa ne rapporte pas d’argent à son promoteur : le nombre d’usagers a triplé sur le dernier exercice, clos en mars, à 6,2 millions (un client sur deux), mais l’Arpu de Safaricom a diminué de 23 %, à 6,30 dollars.

 

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2. Internet et les réseaux 3G

Comme beaucoup de ses confrères, Safaricom mise surtout sur le trafic de données pour accroître son trafic et ses facturations. Sur l’exercice 2008-2009, le nombre de ses clients « 3G » (qui ont accès à l’Internet depuis leur mobile) a lui aussi triplé, à 1,6 million (environ 10 % de la clientèle totale), alors que seulement 15 % du réseau est équipé.

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Ces services s’adressent aux clients les plus aisés, notamment dans les entreprises. Sur le seul second semestre de 2008, des réseaux 3G sont entrés en service dans vingt pays, de l’Égypte à l’Afrique du Sud, en passant par le Sénégal ou le Rwanda, engendrant 4 millions d’abonnements, selon Informa Telecoms & Media, dont la moitié en Afrique du Sud, suivie du Maroc, de l’Égypte et du Nigeria. Sur les 550 millions d’utilisateurs d’un téléphone mobile que prévoit le World Cellular Information Service (WCIS) à l’horizon 2013 (voir infographie ci-dessus), 180 millions seront abonnés à un service 3G alors que la part du GSM traditionnel (ou 2G) aura baissé de 380,5 millions aujourd’hui à environ 370 millions.

3. Les zones rurales

Reste la conquête de clients dans les zones rurales, un objectif poursuivi par tous les opérateurs. Avec, semble-t-il, la plus grande difficulté. Vu tout d’abord comme avant-gardiste en Afrique, avec le lancement de centres communautaires téléphoniques dès 2004, MTN a, depuis, mis un frein au programme. Baptisés VillagePhone et développés avec la Grameen Foundation, ils permettaient aux habitants des zones rurales de bénéficier de téléphones mobiles communs, même en l’absence d’électricité. Mais il n’y a guère qu’en Ouganda et au Rwanda que des VillagePhone ont été ouverts. Dans la même veine, Zain et l’équipementier Ericsson ont ouvert un relais dans un village reculé du Kenya, dans le cadre du projet Millenium Villages soutenu par les Nations unies. Ils travaillent à faire de même au Nigeria. D’autres opérateurs, contraints par l’absence d’électricité dans de nombreuses régions, tentent d’y installer des panneaux solaires.

Au final, les coûts engendrés par le développement du réseau dans les zones reculées semblent encore largement rebuter les sociétés de téléphonie, qui devraient se reposer de plus en plus sur des sous-traitants.

De manière croissante, il semble que les opérateurs présents en Afrique s’inspirent des résultats qu’ils ont obtenus en Europe : « Dans les marchés européens où l’activité Internet commence à peser sur le chiffre d’affaires, le déclin a été stoppé et l’Arpu se stabilise », rappelle Devine Kofiloto. Dans la recherche de rentabilité, ces groupes oublient sans doute que ce n’est pas en appliquant à l’Afrique les recettes développées en Europe qu’ils ont gagné la première bataille africaine des télécoms…

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