Opération séduction du Maroc et de la Tunisie

Jeunes acteurs dans une industrie largement mondialisée, les deux pays ont redoublé d’efforts pour vendre leurs atouts au Salon du Bourget. Et décrocher quelques contrats à l’occasion.

Publié le 24 juin 2009 Lecture : 4 minutes.

Pour la première fois de sa toute jeune histoire, l’industrie aéronautique tunisienne a fait son autopromotion lors du Salon du Bourget, la grand-messe mondiale de l’aéronautique, qui s’est tenue à Paris du 15 au 21 juin (et qui fêtait son centenaire). Une opération séduction menée grâce au Gitas, le Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales. Et qui a fait concurrence à l’offensive de charme du Maroc, venu en force pour sa deuxième participation au Bourget, avec neuf entreprises et organismes, le Gimas (Groupement des industriels marocains aéronautique et spatial) et Maroc Export en tête. S’il fallait mesurer l’attractivité de chacun des deux pays à l’aune de leurs stands respectifs, la palme serait d’ailleurs revenue au Maroc, qui s’est offert un espace quatre fois plus grand qu’en 2007, pâtisseries et thé à la menthe servis à profusion pour mieux attirer l’attention. Dépêchés sur place, des ministres se sont mués en VRP de luxe pour l’occasion : Ahmed Réda Chami, pour le portefeuille de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, côté chérifien ; et Mohamed Nouri Jouini, pour celui du Développement et de la Coopération internationale, côté tunisien.

Le pari tunisien d’Airbus

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Clou du show tunisien au Bourget, sous le vrombissement des avions en pleine démonstration de vol : les conférences de presse d’Aérolia. La filiale du constructeur d’Airbus a profité du Bourget pour dévoiler l’identité des premiers sous-traitants invités à s’implanter à ses côtés dans l’aéro­pôle de Ben Arous (Grand Tunis), où se construit son usine spécialisée dans l’assemblage de sous-ensembles. Ont été retenus : Figeac-Aéro pour la production de pièces élémentaires mécaniques, Mecahers pour les pièces de tôlerie, Mécanyvois pour la production et la maintenance d’outillages et Corse Composites pour les pièces composites. Les autres seront connus dans les prochains mois. Car le planning du projet, un investissement de 30 millions d’euros sur les cinq ans à venir, est maintenu : « L’usine entrera en production en janvier 2010 », a confirmé Christian Cornille, son président.

Si le secteur souffre de la crise, les avionneurs étant contraints de réduire la voilure de leurs carnets de commandes, impactant ainsi les constructeurs et leurs sous-traitants, le trou d’air n’inquiète ni le Maroc ni la Tunisie. « Les carnets de commandes sont pleins pour les trois ans à venir », argue Noureddine Zekri, directeur de la Fipa (Foreign Investment Promotion Agency) tunisienne. Mieux encore, pour l’attractivité du Maghreb, la crise inciterait l’aéronautique mondiale, en quête de coûts plus compétitifs, à accélérer le mouvement de délocalisation. Une opportunité dont est convaincu Ahmed Réda Chami : « à long terme, notre destination sera renforcée ». Et de citer « les pays d’Europe de l’Est, en perte d’attractivité depuis qu’ils ont intégré la zone euro. De gros acteurs qui y sont implantés m’ont avoué qu’ils n’y seront plus d’ici à cinq ans ». Selon lui, les opportunités vont donc se multiplier. Abdelhanine Benallou, directeur général de l’Office national des aéroports (Onda), affirme ainsi qu’une dizaine d’industriels seraient en voie d’implantation au Maroc.

Résultats de l’offensive de charme déployée au Bourget : Royal Air Maroc et Air France ont signé pour la création d’un joint-venture dédié à la maintenance des avions à Casablanca, tandis que le Gimas a conclu avec son homologue français (Gifas) un protocole d’entente pour une coopération au profit de leurs adhérents respectifs. L’Onda a lui aussi signé, avec un industriel cette fois, le français Mundac, pour une unité dédiée à la production de composites et à l’usinage de pièces à Nouaceur.

Si elle est plus jeune que sa consœur chérifienne, l’industrie aéronautique tunisienne gagne du terrain et suscite l’intérêt grandissant des investisseurs du secteur, plus familiers du Maroc. Avec 19 membres aujourd’hui (contre 7 en 2007), le Gitas dénombre une dizaine d’adhésions « dans le pipe » qui devraient se confirmer d’ici la fin de l’été, dixit Philippe Cussonnet, son président. À la sortie de la présentation de l’offre tunisienne, qui a fait salle comble, le responsable d’un leader mondial en équipements industriels automatisés lâche cette confidence : « Je connais le Maroc mais pas la Tunisie. J’ai été impressionné par la qualité des avantages offerts et des services. L’industrie en Tunisie m’a l’air plus sophistiquée et moderne. » Une entreprise 100 % tunisienne, Telnet, a d’ailleurs conclu lors du salon une convention tripartite avec deux filiales de Safran, Teuchos et Safran Aerospace India (SAI) dans le domaine des équipements et systèmes embarqués.

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Valeur ajoutée marocaine

De son côté, le Maroc (70 industriels pour un chiffre d’affaires de 600 millions de dollars) continue de muscler son offre. Comme chez le voisin, tout est fait pour favoriser l’implantation rapide des investisseurs aux meilleures conditions, avec une batterie de mesures incitatives : dégrèvements fiscaux, foncier quasi gratuit, une ligne de crédit ad hoc négociée auprès des banques locales pour pallier le « credit crunch » (rationnement du crédit) auquel sont confrontés les investisseurs occidentaux… Objectif, désormais : attirer plus d’investissements dans des domaines tels que les matériaux composites, augmenter les capacités en R & D et achever de compléter la supply-chain. Autre projet amorcé : monter une filière dédiée au démantèlement d’avions en fin de vie. Un site à Figuig, dans l’est du pays, a été retenu.

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Surtout, le Royaume « ne veut plus être vu comme une simple destination de production low cost ». Mais s’imposer comme un centre d’excellence à haute valeur ajoutée. À l’exemple d’Aircelle Maroc, filiale de Safran qui, voilà trois mois, a livré un inverseur de poussée pour nacelles (qui permet à l’avion, lorsqu’il atterrit, de freiner pour s’arrêter) à Rolls-Royce, tout en composites.

Autre perspective, qui favoriserait l’offre Maghreb : le mouvement amorcé dans le secteur aéronautique vers une externalisation accrue de services et d’activités, à l’instar de ce qui s’est produit dans l’industrie automobile. 

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