L’adhésion de la Turquie à l’Europe suscite pour et contre

Trois pays – dont l’Allemagne et la France – se montrent farouchement hostiles à l’adhésion d’Ankara. Les vingt-quatre autres Etats membres y sont favorables. Pour des raisons bien différentes.

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Publié le 24 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Qui veut de la Turquie dans l’Union européenne ? Pas la France ni l’Allemagne, en tout cas. « Nous ne pouvons accueillir tout le monde. Oui à un partenariat privilégié, mais pas d’adhésion complète », s’est ainsi écrié Angela Merkel, le 10 mai à Berlin, lors d’un meeting commun avec Nicolas Sarkozy à l’occasion des élections européennes.

Pourtant, lorsque les négociations d’adhésion se sont ouvertes, en décembre 2004, le président Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schröder tenaient un tout autre langage. Seuls le Danemark (qui a changé d’avis depuis) avait émis des réserves et l’Autriche marqué une vive opposition. Aujourd’hui, Vienne continue de camper sur ses positions, ce qui irrite bien moins Ankara que le retournement de veste de Berlin et de Paris.

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À ces trois exceptions près, les vingt-quatre autres États membres sont favorables à l’entrée de la Turquie. Ils estiment que les obstacles majeurs (lacunes démocratiques, rôle de l’armée dans la vie politique, retards socio-économiques, poids démographique et décalage culturel avec cet État certes laïc mais à plus de 90 % musulman) sont surmontables. Et ils préfèrent voir dans la Turquie une nation jeune, disposant d’une main-d’œuvre qualifiée et d’un vaste marché à conquérir. Bref, un partenaire économique stratégique (pour l’acheminement du pétrole et du gaz), militaire (au sein de l’Otan) et politique (un « pont » entre l’Europe et le monde arabo-musulman).

Les pays méditerranéens (Espagne, Portugal, Grèce et Italie) sont les plus chauds partisans de l’adhésion, rêvant de créer avec la Turquie un espace géopolitique et économique dynamique. La lutte contre les séparatistes basques et kurdes rapproche l’Espagne de la Turquie. Le désir de pacifier ses relations de voisinage a poussé la Grèce (comme la Bulgarie) à apurer les vieux contentieux historiques et politiques.

Les pays de l’ancien bloc de l’Est : adhérents de fraîche date à l’UE et, à l’instar de la Pologne et de la Tchéquie, peu attachés à l’intégration politique, ils apprécient tout ce qui peut les éloigner de l’orbite russe et de la dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou. Comme la Grèce et l’Italie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie sont directement intéressées au tracé des gazoducs reliant les gisements de la mer Caspienne à l’UE, via la Turquie.

Les pays du Nord (Belgique, Pays-Bas, Irlande, Danemark, Finlande, Suède) demandent à la Turquie de faire des efforts sur le plan démocratique. Ils approuvent les réformes quand elles ont lieu et se montrent critiques quand elles stagnent, ne doutant pas que, pour obtenir des résultats, il est indispensable d’exercer une pression sur Ankara.

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La Grande-Bretagne et la Grèce partagent ce point de vue, pour des raisons différentes. La première a intérêt à voir s’élargir l’UE pour diluer l’Europe politique dans une vaste zone de libre-échange. La seconde compte sur le processus d’adhésion pour obliger la Turquie à reconnaître le droit de ses minorités grecques et chrétiennes, ainsi que l’existence de la République de Chypre.

Par ailleurs, les reines Beatrix des Pays-Bas et Élisabeth d’Angleterre ont réaffirmé le soutien de leurs nations à la candidature turque lors de leurs visites d’État, en février 2007 et en mai 2008.

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Entre une adhésion pleine et entière qui ne se fera pas, au mieux, avant vingt ans et un « partenariat privilégié » dont la Turquie ne veut pas entendre parler et qui n’est guère, pour le moment, qu’une coquille vide, chacun voit midi à sa porte. Et ça ne risque pas de changer !

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