Colette Avital : « Netanyahou ne peut pas refuser la solution des deux Etats »

Secrétaire générale internationale du Parti travailliste israélien

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Publié le 23 juin 2009 Lecture : 5 minutes.

Secrétaire générale internationale du Parti travailliste israélien, Colette Avital a derrière elle une riche carrière diplomatique. Elle a été en poste à New York, au Portugal et à Paris. Entre 1999 et 2009, elle a siégé à la Knesset. En 2007, elle a été la rivale (malheureuse) de Shimon Pérès à l’élection présidentielle. Lors d’un récent séjour à Paris, elle a rendu visite à Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Pensez-vous que l’élection de Barack Obama a changé la donne au Moyen-Orient ?

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Colette Avital : C’est certainement un événement très important. Pour Israël, il y a deux éléments essentiels. Le premier, c’est le temps. L’option des deux États est menacée et l’avenir joue contre nous. La société est divisée, les partis ont perdu toute crédibilité et, du côté palestinien, Mahmoud Abbas est affaibli.

Le second élément, c’est le plan saoudien [l’Initiative arabe adoptée à Beyrouth en 2002, NDLR]. C’est une opportunité qu’il nous faut absolument saisir parce que nos rapports avec le monde arabe sont inséparables de la question palestinienne.

Ces deux éléments sont retenus par Obama…

En effet et je le reconnais bien volontiers. Reste que la politique israélienne se fait à Jérusalem et non à Washington. Nous devons parvenir à un règlement non pas parce qu’Obama le souhaite, mais parce que c’est notre intérêt. Il faut savoir que les Israéliens de gauche comme de droite réagissent mal quand on fait pression sur eux et ils ont tendance ensuite à se braquer. Je ne sais pas comment vont évoluer nos relations avec les États-Unis, mais il faut tout faire pour qu’elles soient sereines.

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Mais le gouvernement s’enferme dans le refus.

Je ne crois pas que Netanyahou puisse refuser longtemps la solution des deux États. Il peut évoluer. Son problème, c’est qu’il n’a pas de marge de manœuvre et qu’il doit convaincre ses propres troupes. Mais il veut entrer dans l’Histoire comme le Premier ministre qui a obtenu la reconnaissance d’Israël par les États arabes. Et ce n’est pas du tout exclu. On dit souvent que les Israéliens élisent des gens de droite pour faire la politique de la gauche. Et puis il y a cette offre du monde arabe qui représente beaucoup plus que ce qu’Israël espérait.

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Les Israéliens ont toujours affirmé qu’ils voulaient la paix avec les Arabes. Et quand les Arabes ont dit oui, eux, ils ont dit non. C’est curieux…

Les Israéliens font plus confiance aux Saoudiens qu’aux Palestiniens ; 75 % d’entre eux croient aux deux États et pensent qu’un État palestinien est la seule façon pour Israël de survivre comme État juif. Mais le drame, c’est que quand vous leur demandez si c’est possible, les mêmes 75 % vous répondent non. Les Israéliens n’ont plus confiance. On leur a bourré le crâne pendant des années en leur disant qu’il n’y avait pas de partenaire en face. La société israélienne est marquée par le désespoir et un cynisme généralisé. Finalement, seule l’Initiative arabe peut nous rendre confiance.

Et Obama !

Oui, et Obama.

Quelle est l’attitude des juifs américains ?

Ils ne sont pas favorables à la paix dans leur majorité. N’oubliez pas qu’ils ont massivement soutenu Bush. Ils sont victimes de ce que j’appelle le « jet lag » : plus vous êtes loin et moins vous lâchez de territoires. Quand j’étais consul à New York, mes interlocuteurs juifs s’offusquaient que l’on puisse rendre des territoires. Je leur répondais : « Rassurez-vous, je ne vais pas rendre le Queens, votre territoire à vous ! »

Bush a-t-il fait du bien aux Israéliens ?

Je ne sais pas. Mais prenez Sarkozy, il parle en ami devant la Knesset et ses critiques ne posent pas problème. Depuis, tous les Israéliens aiment la France. Ils ont besoin d’affection. Obama devrait suivre son exemple. C’est le conseil qu’on aimerait lui donner.

Comment expliquez-vous qu’il ne soit pas encore venu en Israël ?

Sans doute parce qu’il a voulu s’adresser d’abord au monde musulman. Au Caire, il a parlé à l’Islam, ensuite il est allé à Buchenwald et s’est adressé aux juifs en termes universels et non conflictuels. Stratégiquement, sa démarche est irréprochable.

Peut-on arrêter la colonisation ?

On peut la freiner, mais les colons vont très mal réagir. Ils ont réussi à tenir à la gorge tous les gouvernements israéliens, même si Sharon, en évacuant Gaza, a montré qu’on pouvait leur faire entendre raison. Il faut savoir qu’il y a deux sortes de colonies.

D’abord les implantations à l’intérieur de l’État d’Israël qui représentent 80 % des colons. Ceux-ci pourraient bénéficier d’un échange de territoires avec les Palestiniens. Ensuite, il y a quelque quatre-vingts implantations au-delà de la barrière de sécurité. Celles-là, c’est évident, ne seront plus incluses dans l’État d’Israël. J’ai moi-même créé un mouvement avec les colons qui veulent partir de leur plein gré. Sur les 80 000 personnes concernées, la moitié sont prêtes à se retirer dès aujourd’hui. Car elles s’y sont installées pour améliorer leur vie et non pour des motifs idéologiques.

Et Jérusalem ?

Ce sera le problème le plus épineux. Va-t-on accepter les deux capitales ? Tout pourrait se bloquer là-dessus. Ce sera plus facile si on arrive à ne pas diviser Jérusalem. C’est d’ailleurs l’idée retenue par plusieurs plans.

Vous croyez à la paix ?

Oui, définitivement. On s’achemine vers un accord, mais la paix va prendre du temps parce qu’il y a trop de haine de part et d’autre. Ce qui me rend optimiste, ce sont les progrès réalisés dans les Territoires en matière de sécurité.

On dit qu’Israël pourrait frapper l’Iran ?

Je ne l’exclus pas, mais je crois qu’Israël ne le fera jamais seul. Ce n’est pas un problème israélien, mais un problème international. C’est donc la communauté internationale qui doit le faire.

Vous, vous avez la bombe, eux ne l’ont pas…

Nous ne l’avons pas, nous en avons la capacité. Et nous n’avons pas menacé de rayer un pays de la carte.

Vous ne l’avez pas dit, mais vous l’avez fait, en 1948.

La Palestine n’existait pas en tant qu’État au moment de la création d’Israël.

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