Redistribution des cartes
Dynamisme de l’Asie, recul des Etats-Unis, retour confirmé de la France, espoir algérien… une nouvelle géographie du cinéma d’auteur se dessine.
Comment se portent les diverses cinématographies dans le monde ? Le Festival de Cannes constitue chaque année un bon baromètre de leur santé. Du moins pour le cinéma d’auteur. Que nous indique donc le cru 2009 ?
S’est trouvé confirmé l’insolent dynamisme de l’Asie. Les deux pays phares de la région, la Corée et, surtout, la Chine, depuis que le Japon s’est fait plus discret, ont cependant un peu moins dominé cette année, leur production présentée sur la Croisette ayant déçu. Ce fut le cas en particulier des deux longs-métrages chinois en compétition, celui de Lou Ye sur l’homosexualité (Nuits d’ivresse printanière), curieusement primé pour son scénario peu convaincant, et le film noir hongkongais de Johnnie To (Vengeance), avec en vedette un Johnny Hallyday guère crédible. En revanche, l’on a assisté à la véritable émergence des Philippines, avec trois films en sélection officielle, dont Kinatay de Brillante Mendoza (prix de la mise en scène).
Loin des grands studios
L’Amérique du Nord, en raison d’une participation plus restreinte que d’habitude des États-Unis, était moins présente. Mais Francis Ford Coppola, converti au cinéma indépendant loin des grands studios, a sauvé l’honneur du drapeau étoilé avec son superbe Tetro, tourné à Buenos Aires. Et le voisin canadien, grâce à la présence de trois films québécois dont le très prometteur J’ai tué ma mère du tout jeune Xavier Dolan (19 ans à peine), a affirmé un certain renouveau. L’Amérique latine, revenue au premier plan ces dernières années, n’est pas apparue flamboyante malgré des films honorables en provenance du Brésil ou du Mexique et malgré le beau film colombien à la gloire de la musique populaire (Les Voyages du vent, de Ciro Guerra). L’éclipse – provisoire ? – du cinéma argentin, si vivant depuis le début du siècle, n’y est pas pour rien.
Mais, surtout, l’Europe de l’Ouest a cumulé les récompenses principales. Avec notamment la Palme d’or attribuée à Michael Haneke (Le Ruban blanc) et une France qui redresse la tête pour la deuxième année consécutive, grâce à Jacques Audiard (Le Prophète – Grand Prix) et à Alain Resnais (Les Herbes folles), qui a reçu un prix exceptionnel pour l’ensemble de sa carrière. Ces deux auteurs très différents témoignent de la diversité de la production de l’Hexagone avec respectivement un polar et une comédie de très bonne facture. Le groupe des anciens pays de l’Est, un peu en retrait en 2009 après plusieurs années au sommet, bénéficie toujours de l’étonnant dynamisme du cinéma roumain, dont le très drôle Policier, adjectif, de Corneliu Porumboiu, une intelligente satire de la bureaucratie, a obtenu le prix principal de la section « Un certain regard ».
Le Moyen-Orient a fait admirer à maintes reprises la qualité et l’originalité de ses productions. D’abord grâce au cinéma israélien, qui, avec des approches très critiques de la vie en société dans l’État hébreu (dans Jaffa, actuellement en salles en Europe, Ajami et Eyes wide Open), affiche encore cette vitalité qui le caractérise depuis la fin des années 1990. Avec également un film sur la jeunesse underground de Téhéran (Les Chats persans de Bahman Ghobadi) qui marquait le retour de l’Iran sur la Croisette. Et surtout avec deux films palestiniens, Le Temps qu’il reste, de Elia Suleiman, et Amreeka, de Cherien Dabis, un récit poignant de l’exil américain d’une famille arabe ne supportant plus l’occupation israélienne (à l’affiche à Paris depuis le 10 juin).
Vers des temps meilleurs
Quant à la production africaine, comme l’on sait, elle est malheureusement depuis longtemps quasi absente à Cannes. Mais elle a pu cette année se faire remarquer grâce au retour de Souleymane Cissé, malheureusement hors compétition, avec Min yè…, salué par le public, et au prix de la Semaine de la critique – une récompense significative puisqu’elle résulte d’un vote de tous les critiques présents sur la Croisette – obtenu par le Franco-Algérien Nassim Amaouche pour son premier film, Adieu Gary. Espérons que ce n’est qu’un premier pas vers des temps meilleurs…
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