Comment les colons tuent la paix
Ils sont jeunes, radicaux et souvent violents. Contrairement à leurs aînés, qui rechignent à défier l’autorité de l’État, ils sont prêts à tout pour éviter le démantèlement â des implantations illégales. Reportage.
Daniel Landesberg, 20 ans, est en train de reconstruire sa maison à Maoz Esther, une colonie sauvage au cœur de la Cisjordanie occupée. Quand les travaux seront terminés – juste à temps pour son mariage –, la baraque en contre-plaqué comptera trois chambres, sera alimentée en électricité et offrira une vue imprenable sur les monts de Judée jusqu’aux rives de la mer Morte. Les clous que Landesberg a plantés sont autant de pieux enfoncés dans le nouveau plan de paix de Barack Obama au Moyen-Orient. Le président des États-Unis, que Landesberg s’obstine à appeler « Hussein », a exigé à plusieurs reprises d’Israël qu’il mette fin à l’extension des colonies juives en Cisjordanie occupée. Cette demande ne fait que refléter une opinion dominante parmi les diplomates et hommes politiques de la planète : la croissance vertigineuse du nombre de colons est l’un des principaux obstacles à la solution de deux États et à la conclusion d’une paix durable entre Israéliens et Palestiniens.
Avec l’annexion par les colons de toujours plus de terres en Cisjordanie et la multiplication de petits postes avancés, comme celui de Maoz Esther, les Palestiniens se demandent bien comment – et où – ils pourront jamais établir un État indépendant, viable et avec une continuité territoriale. Déjà, les infrastructures liées aux colonies – routes réservées, check points et barrages – asphyxient une grande partie de la Cisjordanie. En outre, une frange de colons extrémistes fait tout pour rendre la vie impossible aux villageois palestiniens. Leurs violences répétées font régulièrement la une des journaux depuis plusieurs années, ainsi que les destructions d’oliveraies ou de champs agricoles.
Petit jeu de cache-cache
À ce jour, les pressions américaines n’ont eu que peu d’incidence sur le terrain. Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a certes ordonné que l’on rase une poignée d’implantations construites sans autorisation. Mais il a rejeté l’appel américain à geler l’extension des colonies existantes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où résident la plupart des quelque 480 000 colons juifs. Quant aux initiatives du gouvernement contre les postes avancés, elles demeurent dérisoires. À peine ceux-ci sont-ils détruits par les forces de l’ordre que les colons réapparaissent pour les reconstruire. « Personne ne nous a demandé de ne pas revenir, tonne Landesberg. C’est notre terre. Elle appartient au peuple d’Israël. Nous devons continuer de construire partout où c’est possible. »
Mus par la croyance que Dieu a donné la terre d’Israël aux seuls juifs, les jeunes habitants des postes avancés se considèrent comme l’avant-garde du mouvement des colons. Plus radicaux et agressifs que les générations précédentes, qui rechignent parfois à défier ouvertement l’autorité de l’État, ils jouent un rôle déterminant dans la défense et le renforcement de la colonisation. Leur petit jeu de cache-cache avec le gouvernement, les évacuations successives des postes avancés, suivies aussitôt de leur reconstruction, détournent l’attention des autorités des plus vastes implantations. « C’est comme au football, la meilleure défense, c’est l’attaque », s’amuse Landesberg.
Les Palestiniens ne conservent que très peu d’espoir d’obtenir à court terme une bouffée d’oxygène. Le village de Jeet, au nord de la Cisjordanie, par exemple, est pratiquement cerné par l’implantation de Kedumim et le poste avancé de Havat Gilad. Ce dernier, affirme Zakaria Sedda, un militant palestinien local, a été construit sur des terres palestiniennes privées et empiète sur les domaines de Jeet et de quatre autres villages, ce que nient les colons. Qui plus est, Havat Gilad est devenu une base avancée de laquelle sont lancées les attaques contre les villageois. « Ils volent nos olives, détruisent nos oliviers et passent à tabac les agriculteurs alentour », dénonce Zakaria Sedda.
Netanyahou a déjà déçu
Avec ses grandes maisons et ses jardins bien entretenus, la très verdoyante Kedumim, une colonie de 5 000 habitants, est à des années-lumière de Maoz Esther et ses décombres. Pourtant, les sentiments exprimés par Daniella Weiss, l’une des leaders du mouvement des colons radicaux, sont à peu près les mêmes. Cette grand-mère de quatorze petits-enfants est profondément déçue par Benyamin Netanyahou, dont le gouvernement de droite, se désole-t-elle, a trahi les espoirs que les habitants des colonies avaient placés en lui. Que ferait-elle si celui-ci décidait d’agir contre les colons ? « Il sera bloqué, affirme-t-elle. Et Netanyahou risquerait alors de tomber. Il ne pourra pas terminer le travail. »
Pour le moment, en tout cas, les chances d’une opposition frontale entre Benyamin Netanyahou et les colons sont minces. Pourtant, les Américains et les Palestiniens ne demandent pas le démantèlement de colonies existantes, comme celle de Kedumim, mais la suppression des postes avancés et le gel des extensions. Barack Obama pourrait rapidement s’apercevoir que même sur ces deux points, il sera très difficile de progresser.
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