Le Gabon sous le choc

Depuis l’annonce du décès du président, la population vit entre l’émotion suscitée par la mort du patriarche et l’inquiétude quant à l’avenir politique du pays.

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Publié le 15 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Le 7 juin à Libreville, c’était le bonheur. Concert de klaxons et cris de joie. La sélection nationale, les Panthères du Gabon, entraînée par le Français Alain Giresse vient de remporter par 3 buts à 0 la rencontre qui l’opposait cet après-midi à l’équipe nationale du Togo au stade Omar-Bongo-Ondimba. Jamais le Gabon n’a été aussi près de se qualifier pour une phase finale de la Coupe du monde.

Quelques heures plus tard, la liesse d’après-match est douchée par une rumeur, une de plus, qui annonce la mort du président de la République, hospitalisé dans une clinique de Barcelone depuis le 6 mai. Invité sur le plateau d’une chaîne de télévision française lors d’une émission organisée en cette soirée d’élections européennes, le ministre de la Défense, Hervé Morin, après les précautions d’usage, commente la nouvelle. À Libreville, les rues se vident. « Nous ne sommes pas au courant », réfute un membre du gouvernement passablement agacé joint au téléphone. Les Gabonais se ruent sur le téléphone et sur Internet, où le quotidien en ligne d’un hebdomadaire français annonce la nouvelle. Quelques heures plus tard, dans la journée du 8 juin, la connexion Internet s’interrompt. Depuis Barcelone, le Premier ministre Jean Eyeghe Ndong oppose un démenti formel et véhément. Mais la qualité de la délégation qui l’accompagne et dont fait notamment partie Guy Nzouba Ndama, le président de l’Assemblée nationale, fait penser que la santé de l’illustre patient n’est pas aussi bonne qu’on le dit. Le chef du gouvernement finira par annoncer le décès d’Omar Bongo en début d’après-midi.

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Frontières fermées, attroupements interdits, la capitale semble désertée par ses habitants, qui, redoutant le pire, se terrent chez eux. Ceux qui sortent de leur domicile courent s’approvisionner en conserves, riz et autres produits de « première nécessité ». Les rumeurs de coup de force ont conditionné les esprits. Dans les quartiers populaires comme dans les communes huppées, on n’exclut pas que, le « patriarche » parti, ses héritiers – aussi bien biologiques que politiques – s’entre-déchirent. On craint que la disparition du « patron », qui excellait mieux que personne dans l’art de contenir les appétits des caïmans les plus féroces du « marigot politique », ne provoque l’explosion de cette cocotte-minute restée trop longtemps sous pression. Complots imaginaires et scénarios de batailles d’éléphants meublent les conversations.

Mais, jusqu’au 12 juin, l’armée n’est pas entrée au Palais du bord de mer, on n’a enregistré aucune violence et personne n’a dérapé. Et les éditorialistes de s’émerveiller sur la « maturité du peuple gabonais », alors que, le même jour, la télévision retransmet la cérémonie de prestation de serment de Rose Francine Rogombé, devenue présidente de la République par intérim. Devant les visages graves du gotha politique gabonais réuni pour ce rituel solennel, cette quasi-inconnue, qui a été propulsée à la tête du Sénat par OBO en mars dernier, semble déjà porter le poids de la charge. La voir monter sur l’estrade d’un pas lourd et hésitant a suscité quelques soupirs de commisération, plaignant par avance cette fonctionnaire retraitée dont les « requins » de la classe politique ne feront qu’une bouchée. Saura-t-elle sauvegarder son indépendance ? Pour qui roulera l’ancienne protégée de Georges Rawiri ? s’interroge-t-on.

Quant à l’opposition, ses faits et gestes n’en sont pas moins scrutés et interprétés. On spécule sur les termes d’un communiqué de Pierre Mamboundou, président du premier parti d’opposition, l’Union du peuple gabonais (UPG), qui, s’adressant à Fidèle Andjoua, frère aîné du président décédé, lui demande « d’assurer la continuité familiale », tandis que, s’adressant à Ali et Pascaline, il les assure qu’en cette douloureuse circonstance, son soutien leur est acquis.

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