Nimeiri s’en va, la charia reste

Décédé à l’âge de 79 ans, l’ex-président Gaafar al-Nimeiri a été inhumé le 31 mai. Quarante ans après sa prise de pouvoir, cet officier versatile reste dans les mémoires comme le premier dirigeant à avoir imposé la loi coranique à la population soudanaise.

Publié le 9 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

Emporté par une longue maladie, quarante ans après avoir pris le pouvoir au Soudan par un coup d’État militaire, le maréchal Gaafar al-Nimeiri est décédé, le 30 mai 2009, dans sa ville natale d’Omdurman. Il aurait pu entrer dans la postérité comme l’architecte de la paix au Sud-Soudan, quand il mit fin, en 1972, à dix-sept années de guerre civile entre le Nord musulman et le Sud chrétien et animiste. Mais il a pris le risque de ruiner cette réputation en décidant d’adopter, en 1983, la charia comme source unique de droit au Soudan. Cette décision ne fut pas la seule erreur commise durant son long règne, qui dura de 1969 à 1985.

Seize ans au pouvoir

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Né le 1er janvier 1930, Gaafar al-Nimeiri sort de l’École militaire au moment où Nasser et ses officiers libres renversent Farouk, roi d’Égypte et du Soudan. Tête brûlée, le brillant élève officier est aussi un soldat bien turbulent, dont les affectations seront motivées par des considérations disciplinaires. Il commence à se faire un nom avec de nombreux succès dans la lutte contre la guérilla sudiste. Sportif accompli (capitaine de l’équipe nationale militaire de football), charismatique et recelant de véritables aptitudes au commandement, le jeune officier transforme le mess en cercle de débats politiques, exposant volontiers ses penchants marxistes. Ses idées socialisantes sont mal vues par sa hiérarchie. Il est arrêté à plusieurs reprises pour conspiration. Sa carrière militaire en souffre mais il n’en a cure. Il finit par prendre le pouvoir en 1969, en s’appuyant sur le Parti communiste soudanais. Ses idées populistes font mouche, mais ses multiples volte-face et retournements d’alliances désarçonnent. Il réprime les Frères musulmans et les tenants du libéralisme pour ensuite se retourner contre ses alliés communistes, auxquels il reproche de comploter contre son régime. Sa diplomatie est tout aussi versatile. Kadhafi lui sauve la mise en l’informant des préparatifs d’un coup d’État, il le traitera, quelques années plus tard, de suppôt de Moscou. Longtemps allié inconditionnel de l’URSS et de la République populaire de Chine, il surprend son monde en se réconciliant avec Washington, offre des concessions pétrolières à Chevron et rétablit des relations avec la république fédérale d’Allemagne. La cause palestinienne a nourri tous ses discours, mais il est le seul chef d’État arabe à soutenir Anouar el-Sadate quand il décide de se rendre à Jérusalem, puis devient un discret allié de Tel-Aviv et s’implique, contre rémunération sonnante et trébuchante, dans l’opération Falashas.

Sa politique africaine est également marquée par de nombreuses incohérences. Il signe un traité militaire avec l’Ouganda, mais le viole aussitôt. Ses relations avec ses voisins zaïrois, éthiopiens ou tchadiens sont marquées du sceau de l’improvisation et de l’humeur du moment. Bref, Gaafar al-Nimeiri n’a jamais été un interlocuteur fiable.

En seize ans de pouvoir, il a échappé à vingt-cinq tentatives d’attentat, de coups d’État ou d’assassinat. Son parcours est jalonné de cadavres d’opposants tués sous la torture, de manifestants ayant été visés par des tirs à balles réelles lors d’opérations de maintien de l’ordre. Sa politique économique, marquée par la gabegie et la corruption, a fini par ruiner le pays des deux Nil. Renversé en 1985 par l’armée, il s’exile au Caire pour revenir au Soudan, en 1999.

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