Les couacs de l’opposition

En déclarant son patrimoine, le nouveau maire de Dakar suscite la réprobation de ses alliés. Une réaction qui sème le doute sur les promesses de transparence faites durant la campagne.

Publié le 9 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Deux maisons en France (l’une à Amiens et l’autre dans le Var) ; cinq villas dans les quartiers huppés de Dakar ; trois terrains dans la capitale sénégalaise ; un verger à Niague ; trois autres terrains à Sangalcam, sur le littoral atlantique ; 199 actions de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal (Bicis) ; une assurance souscrite auprès de la BNP Paribas, en France, à hauteur de 45 000 euros… Les biens déclarés par Khalifa Sall, élu maire de Dakar le 22 mars dernier, ont semé le trouble dans les esprits. Hommes politiques, journalistes et citoyens lambda ont multiplié les interrogations sur l’origine de cet important patrimoine. « Je ne peux pas, en tant que consultant de la Banque mondiale, enseigner partout les règles de la transparence sans me les appliquer, confie Sall. Et puis, j’avais promis aux Dakarois une fois élu de déclarer mon patrimoine. » 

Contraire à la tradition

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N’empêche : même les propres camarades du nouvel édile socialiste de la capitale ont pris leurs distances, pour échapper à la bronca du « tous pourris » que sa sortie n’a pas manqué de déclencher. Maire de Louga, chef-lieu de région situé à environ 200 km de Dakar, l’égérie du Parti socialiste (PS), Aminata Mbengue Ndiaye, a tonné : « Je ne ferai pas de déclaration de patrimoine. D’ailleurs, je n’ai pas de patrimoine à exhiber. Et c’est contraire à notre tradition, fondée sur la soutoureu [“discrétion”], de rendre publics ses biens. » Les hiérarques du PS ont surtout été irrités par le choix de Khalifa Sall de se soumettre à un exercice non exigé par la loi sans en informer la direction de son parti. Pour ne rien arranger, l’initiative – bien que dictée par une bonne intention – a valu nombre de critiques au PS, qui tentait au cours de ces dernières années d’acquérir une nouvelle respectabilité. Le sentiment que voulait donner cette formation, selon laquelle elle aurait géré le pays de façon plus transparente que le régime d’Abdoulaye Wade, s’est effondré. D’autant qu’une autre polémique a éclaté presque simultanément : Barthélémy Dias, jeune loup du PS et nouveau maire de l’arrondissement de Mermoz-Sacré-Cœur-Amitié, à Dakar, aurait le projet d’acquérir un 4×4 de fonction pour la somme rondelette de 35 millions de F CFA. La réticence de l’opposition municipale face à cette dépense a dégénéré en bagarre, le 28 mai, en pleine séance du conseil municipal.

Pour des jeunes qui ont fait campagne sur le thème du renouveau et de la lutte contre « la gabegie du régime de Wade », il est regrettable de donner une telle image. Les leaders de la coalition « Benno Siggil Sénégal » (« Unis pour restaurer l’honneur du Sénégal », le regroupement de partis qui a remporté l’essentiel des grandes villes à l’occasion des élections municipales du 22 mars) l’ont bien compris, au point d’élaborer un « code de bonne conduite » qu’ils ont remis à tous ceux qui ont été élus sous leur bannière. Sans réussir à faire cesser les querelles autour des postes, offrant aux Sénégalais le spectacle d’élus « affamés », plus préoccupés de se positionner pour se servir que pour répondre aux préoccupations de leurs mandants.

Ce qui s’est passé à Kaolack, grande ville de l’intérieur du pays, est fort symptomatique de cette dérive. L’attribution du poste de maire à Madieyna Diouf, un des barons de l’Alliance des forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse, a suscité une levée de boucliers du socialiste Ibrahima Bèye et de ses partisans. Le contentieux n’a pu être résolu qu’à la faveur de tractations qui ont porté le socialiste Samb Oumany Touré à la présidence du conseil régional. Les nombreuses querelles de postes et de légitimité dans les communes d’arrondissement de Dakar et dans plusieurs localités de l’intérieur du pays (notamment à Kaffrine) annoncent la mort programmée de l’esprit réformateur que revendiquaient les listes estampillées Benno Siggil Sénégal…

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