Coup de théâtre à Dakar

« Aziz » a-t-il perdu ? Ses adversaires ont-ils gagné ? Il est encore un peu tôt pour répondre, mais une chose est sûre : l’accord arraché in extremis à Dakar, le 2 juin, et signé à Nouakchott le 4, a bouleversé le scénario du général Ould Abdelaziz.

Publié le 8 juin 2009 Lecture : 4 minutes.

Le tombeur de Sidi Ould Cheikh Abdallahi comptait se « laver » du coup d’État du 6 août dernier en remportant haut la main la présidentielle du 6 juin face à trois candidats plus figurants que concurrents. Ould Abdelaziz espérait aussi que le camp de ses détracteurs, constitué du Rassemblement des forces démocratiques (RFD, le principal parti du pays) et du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD, partisan du retour de « Sidi » dans ses fonctions), qui avait décidé de boycotter le scrutin, allait se diviser et que certains, de guerre lasse, finiraient par le rejoindre.

À quatre jours du plébiscite annoncé, l’accord de Dakar a tout balayé. Signé par le FNDD, le RFD et les partisans d’Ould Abdelaziz sous l’égide de l’Union africaine (UA), il prévoit un report du premier tour de la présidentielle au 18 juillet et, s’il y a lieu, du second tour au 1er août. Clos en avril dernier, le dépôt des candidatures a été rouvert. Déjà, Aziz n’est plus sûr de l’emporter. Le général Ely Ould Mohamed Vall devrait faire partie de ses adversaires. Les deux hommes – qui sont cousins – se connaissent bien : ils ont renversé ensemble Maaouiya Ould Taya, en août 2005, puis conduit la transition qui a mené à la présidentielle de mars 2007. À 66 ans, Ahmed Ould Daddah, leader du RFD et éternel opposant aux régimes militaires, compte lui aussi tenter sa chance. En 2007, il était arrivé au second tour après avoir obtenu 20,7 % des voix. 

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Kadhafi en embuscade

En attendant le scrutin du 18 juillet, les signataires de l’accord de Dakar se sont entendus sur le principe d’un partage du pouvoir dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale (dont la composition n’était pas connue au moment où nous mettions sous presse). La moitié des ministères reviendra au RFD et au FNDD, dont ceux de l’Intérieur, des Finances et de la Communication, stratégiques dans le cadre de l’organisation d’un scrutin ; l’autre moitié au camp d’Aziz, auquel a également été attribuée la primature. Camouflet pour son tombeur, c’est à Sidi Ould Cheikh Abdallahi qu’est revenue la signature du décret de formation de la nouvelle équipe. Ce sera sans doute son dernier acte de chef de l’État : Sidi, qui s’est toujours déclaré partisan d’un « consensus », s’est résolu à démissionner et à confier l’intérim à Ba Mamadou M’Baré, le président du Sénat.

Pourquoi Aziz, hostile à tout compromis depuis le coup d’État du 6 août dernier et sûr d’être élu le 6 juin, s’est-il finalement décidé à signer ? Son revirement est intervenu à la dernière minute. Le 30 mai, les émissaires des trois parties négocient à l’hôtel Méridien, à Dakar. La médiation est conduite par un « groupe international de contact » (comprenant notamment l’Union européenne, la Ligue arabe et les Nations unies) et parrainée par Cheikh Tidiane Gadio, le ministre sénégalais des Affaires étrangères. Un accord est proche – un tiers des ministères reviendra à chaque camp, et la primature à une personnalité « consensuelle » – lorsque le représentant d’Aziz se rétracte. À Nouakchott, son chef a reçu un coup de fil de Mouammar Kadhafi, qui l’adjure de ne pas signer. Président en exercice de l’UA (depuis février dernier), le « Guide » libyen n’a jamais fait mystère de son soutien à ce général qui, entre autres actes d’allégeance, a fait fermer pour lui l’ambassade d’Israël en Mauritanie. Le calendrier électoral d’Aziz, il l’a toujours cautionné, et encore tout récemment, le 29 mai, dans son discours d’ouverture de la conférence des chefs d’État de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad). Kadhafi redoute qu’en approuvant cet accord son obligé mette le doigt dans un engrenage qui pourrait compromettre son élection. 

Tout le monde crie victoire

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Mais la tentative de torpillage libyenne échoue : les négociations reprennent le 31 mai, après que l’UA a fait pression et menacé de demander au Conseil de sécurité des Nations unies de voter des sanctions ciblées (gel des avoirs et interdiction de déplacement à l’étranger). Même élu le 6 juin, Aziz resterait un président isolé, à la légitimité contestée. Il est acculé. À la mi-mai déjà, lors de son passage à Nouakchott, le président sénégalais Abdoulaye Wade lui avait donné des garanties : certes, Sidi rentrerait dans le jeu, mais sa capacité de nuisance serait nulle, et rien ne s’opposerait à sa candidature.

L’opposition a elle aussi été priée de faire des concessions : céder la primature au camp d’Ould Abdelaziz et se contenter d’un report du scrutin de quarante-cinq jours (certains réclamaient trois mois). Le 1er juin, Abdoulaye Wade a passé près d’une heure au téléphone avec Ahmed Ould Daddah pour le convaincre.

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Finalement, les adversaires du général s’estiment victorieux : « Ce qui compte, c’est que son calendrier unilatéral a été mis en échec, explique l’un d’eux. C’est un coup dur pour ses partisans. Désormais, il est un candidat parmi les autres. Nous avons toutes nos chances. » Du côté d’Aziz, on ne s’estime pas vaincu pour autant. Au contraire : le scrutin du 18 juillet étant jugé plus crédible que celui qui était prévu le 6 juin, son éventuelle victoire le serait elle aussi.

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