Le jour où Barack est redevenu Hussein
Régler le conflit israélo-palestinien et respecter l’islam. Lors de son discours fondateur du Caire, Barack Hussein Obama a jeté les bases de ce qui sera l’un des plus grands défis de sa présidence : la réconciliation de l’Amérique avec le monde arabo-musulman.
Il faudra un peu de temps encore pour mesurer l’impact réel des mots prononcés par Barack Hussein Obama le 4 juin sous le dôme doré de l’université du Caire. Décanter ce qui, dans ce long texte inspiré, relève d’une rhétorique parfois trop belle pour être vraie de la réalité d’une politique américaine qui a ses pesanteurs propres, ses contraintes et sa rationalité de superpuissance. Obama l’a lui-même reconnu : un discours seul n’efface pas des décennies de méfiance réciproque et le « challenge » qui est le sien – persuader le monde musulman de modifier sa perception des États-Unis sans lui offrir en retour la perspective immédiate d’un changement politique majeur – n’est pas des plus faciles.
Lorsqu’un Ben Laden, un Zawahiri ou un Moqtada Sadr mettent en garde leur clientèle contre les propos « raffinés », « mielleux » et « soporifiques » du « charmeur de serpents américain », ils réagissent certes à l’instar d’entrepreneurs inquiets de voir leur fonds de commerce perdre de sa raison d’être (tout comme, à l’opposé du spectre, un Avigdor Lieberman), mais ils surfent aussi sur une profonde vague de défiance vieille de soixante ans et qui trouve son origine dans cette fameuse rencontre de février 1945 en mer Rouge, au cours de laquelle le président Roosevelt promit au roi saoudien Abdelaziz Ibn Saoud de ne rien faire, dans la région, qui n’ait reçu l’assentiment préalable des Arabes. Or on sait ce qu’il advint, par la suite, de ces belles paroles…
Le pouvoir des mots
À cette réserve près, qui n’est pas négligeable, le discours du 4 juin 2009 au Caire peut sans doute être qualifié d’historique. Jamais un chef d’État chrétien ne s’était adressé au monde musulman avec autant d’honnêteté et, pour tout dire, de courage. Jamais un président américain ne fut autant applaudi en terre d’islam et jamais auparavant il ne s’était autant approché de ce point d’équilibre que l’on pensait impossible à atteindre : un ami pour deux peuples, les Juifs et les Arabes.
Obama, que l’on sait très inspiré par la génération des grands prédicateurs afro-américains des années 1960, croit sincèrement dans le pouvoir des mots, de la raison et de la persuasion. Mais ses citations du Saint Coran et le côté parfois incantatoire de ses propos ne relèvent en rien du marketing de pasteur évangéliste. Il sait que le principal facteur de radicalisation des sociétés de la région réside dans l’échec du processus de paix israélo-palestinien et que le seul moyen pour l’Amérique d’inverser cette tendance est de rééquilibrer ses positions, mais aussi de considérer l’islam comme la solution, non comme le problème. Pas une fois, dans son discours, il n’a prononcé les mots « terreur », « terrorisme », « terroriste », qui parsemaient comme autant de mines ceux de son prédécesseur George W. Bush. Pas une fois non plus il n’a cité le nom de son hôte, d’ailleurs absent, Hosni Moubarak, archétype de ce pouvoir pharaonique sous lequel étouffent bien des peuples du monde arabe. Mais nul locataire de la Maison Blanche avant ce fils métis de l’Afrique et de l’Amérique, élevé entre l’église et la mosquée, n’avait osé dire ceci : « La situation du peuple palestinien est intolérable. » La page tragique ouverte un certain 11 septembre 2001 s’est-elle enfin refermée le 4 juin 2009 ? La paix Inch’Allah…
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