De Pyongyang à Asmara
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 8 juin 2009 Lecture : 2 minutes.
La Corée du Nord inquiète et, parfois, amuse. Dans ce numéro de Jeune Afrique, vous pourrez lire l’article de Renaud de Rochebrune consacré à l’inénarrable régime de Pyongyang, sorte de « monarchie » communiste délabrée, autiste, totalitaire, au bord de la famine mais agressive, où le pouvoir se transmet de père en fils, donc de Kim en Kim (voir pp. 52-53). Toutes proportions gardées – et les ambitions nucléaires mises à part –, il existe une autre Corée du Nord, à nos portes celle-là : l’Érythrée. Ce petit bout de terre de près de 5 millions d’habitants, coincé entre le Soudan, l’Éthiopie, Djibouti et la mer Rouge, est un cas unique en Afrique. Mais on n’en parle pas ou peu.
L’un des plus jeunes pays du monde – il a obtenu son indépendance en 1993 – est aussi l’un des plus répressifs et des plus fermés. Il n’y a en Érythrée ni opposition politique ni presse privée. Un parti unique ultranationaliste y sévit, annihilant toute velléité démocratique par la force et la terreur. Pas de liberté d’expression ni de circulation. Détentions arbitraires, torture et travail forcé sont, si l’on en croit un récent et volumineux rapport de l’ONG Human Rights Watch, l’unique horizon de ceux qui exprimeraient la moindre critique à l’égard des autorités. Un quart du budget de l’État est consacré à la Défense. Une large part de la population est enrôlée de force dans l’armée pour effectuer un service militaire… sans limite de temps. Paranoïa sécuritaire et totalitarisme moyenâgeux constituent les deux mamelles de cette prison à ciel ouvert, dirigée d’une main de fer depuis seize ans par Issayas Afewerki, celui qui, lors de l’indépendance du pays, fut présenté par Bill Clinton comme l’un des leaders de la renaissance africaine. En guise de renaissance, son pays sombre dans l’abîme. Car, comme en Corée du Nord, l’Érythrée ne survit que grâce à l’aide humanitaire et aux transferts de fonds de la diaspora. Et produit à peine plus de la moitié de ce qu’elle consomme.
Le régime d’Asmara ne se contente pas d’opprimer ses ressortissants. Il prend un malin plaisir à déstabiliser – le mot est faible – ses voisins. Sa haine viscérale de l’Éthiopie, qui l’annexa en 1962, provoque des poussées de fièvre belliqueuse dans toute la Corne de l’Afrique, qui n’avait pas particulièrement besoin de ce boutefeux supplémentaire. Plus de dix ans après la guerre qui a déjà opposé Addis-Abeba et Asmara, rien n’a changé. L’Érythrée contre l’Éthiopie donc, mais aussi Djibouti et la Somalie. L’Union africaine a dû demander, fin mai, aux Nations unies d’imposer des sanctions immédiates et exemplaires contre l’Érythrée, soupçonnée de soutenir les miliciens islamistes radicaux somaliens en leur fournissant armes, munitions voire formations. Et d’y entretenir le chaos, dans cette guerre par procuration contre l’ennemi héréditaire éthiopien. Bienvenue au goulag de la mer Rouge…
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