Plaidoyer pour une thèse d’Etat
Maïtre-assistante à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis
Je fais partie de la quarantaine de maîtres-assistants, toutes disciplines confondues, qui ont déposé leur thèse d’État au mois de septembre dernier et qui veulent encore espérer les soutenir bien que leur autorité de tutelle leur oppose une fin de non-recevoir.
Cette situation dramatique – qui s’installe dans la durée – relève, sans nul doute, d’un malentendu qu’il serait facile de régler.
Le président Zine el-Abidine Ben Ali avait accordé aux universitaires inscrits en thèse d’État un délai allant jusqu’au 6 septembre 2008 pour « préparer » leurs travaux (décret n° 2003-1665, 4 août 2003), et ces derniers ont pris le mot « préparation » dans son sens étymologique, ne pouvant imaginer que les instances administratives lui donneraient le sens, absolument inacceptable, de la chose achevée et jugée. « Préparer » vient tout simplement du latin praeparare, qui veut dire « disposer en avance », et de parare, « mettre en ordre » ; et c’est dans cette acception que les universitaires, en toute rigueur, ont pris le terme.
Conscients de l’enjeu que représentent ces thèses, qui devaient faire la transition entre un système fondé sur la recherche de longue haleine et le système actuel, moins contraignant et plus centré sur les publications ponctuelles, ils ont mis à profit le délai qui leur était accordé pour mener à terme leur travail – un travail qu’ils estiment digne de l’esprit d’excellence dont doit se prévaloir toute université.
Ayant déposé leurs travaux, ils attendaient donc de les soutenir quand le ministère de l’Enseignement supérieur a, sans autre avertissement, dissous les commissions d’évaluation des thèses d’État, le 8 septembre dernier. On mesure la détresse dans laquelle sont aujourd’hui plongés ces universitaires, victimes d’une lecture pour le moins spécieuse du mot « préparation » et dont le seul tort fut de s’investir totalement dans une recherche d’envergure exigeant en moyenne dix années d’efforts soutenus – soit, en multipliant chacune de ces décennies par 40 chercheurs concernés, l’équivalent de quatre siècles de sacrifices !
On leur recommande maintenant de transformer ces thèses en habilitation. Mais, outre l’aspect déontologique, une telle conversion est-elle concevable, sachant que thèse et habilitation relèvent de deux systèmes et obéissent à des critères scientifiques totalement différents ? Une thèse d’État est un travail de longue haleine dont chaque chapitre est une nouvelle étape dans la carrière du chercheur. Le temps qu’exige sa préparation est difficilement compatible avec l’élaboration de communications ponctuelles et ciblées, à moins d’émietter le travail et de présenter sous forme de fragments ce qui n’a de sens que dans une perspective d’ensemble. Par conséquent, sur le plan administratif, demander à ces chercheurs de transformer une thèse d’État en habilitation, n’est-ce pas les condamner à reporter de plusieurs années leur passage devant une commission d’évaluation ? L’injustice est, on le voit, énorme. Et elle n’a aucune raison d’être, allant jusqu’à générer des souffrances indicibles qui se sont étendues à l’entourage des chercheurs concernés.
À l’heure où M. le président tunisien, président de tous les Tunisiens, sans exclusive, en appelle à « la nécessité d’être attentif aux préoccupations et ambitions des citoyens » (Le Temps du 11 avril 2009), je me permets d’en appeler personnellement et publiquement à M. le Ministre de l’Enseignement supérieur pour qu’il mette un terme rapide à ces souffrances injustifiées, que nos thèses soient soutenues (à l’instar des dernières thèses d’État algériennes, marocaines et françaises), et qu’il reporte en conséquence la date de dépôt des candidatures au grade de maîtres de conférences pour l’année 2009, d’autant que M. le Ministre reconnaît lui-même un réel besoin d’enseignants du corps « A » (Le Temps du 28 avril 2009). Nos travaux, je le dis en toute humilité, ne peuvent qu’honorer notre université et enrichir son patrimoine scientifique.
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