Jean-Michel Severino : « Environnement : un enjeu de plusieurs milliards d’euros »

Il veut mobiliser les pays africains pour qu’ils tirent le meilleur parti des négociations mondiales dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Publié le 2 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Les 25 et 26 mai s’est tenue à Paris une réunion du Forum des économies majeures (FEM). Il réunit 17 pays industrialisés – dont l’Afrique du Sud – qui rejettent 80 % des émissions de gaz à effet de serre. Le FEM est l’un des forums de discussions internationales qui doit préparer la conférence organisée par les Nations unies à Copenhague, en décembre. Celle-ci réunira 200 pays pour conclure un accord mondial de lutte contre le réchauffement climatique qui succédera en 2012 au protocole de Kyoto. 

Jeune Afrique : Quels sont les enjeux de la conférence de Copenhague ?

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Jean-Michel Severino : Le processus de discussions actuel doit aboutir à un projet d’accord qui devrait être prêt en décembre à Copenhague. Tous les pays ne sont pas d’accord sur les moyens et les objectifs à atteindre. Deux enjeux majeurs seront en négociations. Le premier sera axé sur les émissions globales de gaz à effet de serre (GES). Il concernera surtout l’Europe, qui s’est engagée à les diminuer, et les États-Unis et la Chine, qui ne se sont pas encore prononcés. Le deuxième consiste à faire reconnaître le potentiel de l’Afrique en tant qu’« apporteur » de services écologiques dans le captage du carbone. Cet enjeu représente plusieurs milliards d’euros. C’est un élément clé de la compétitivité future de l’Afrique. 

Qu’entendez-vous par apporteur de services écologiques ?

Comme je l’ai dit, la préservation des massifs forestiers et de toutes les zones humides du continent pour développer la capacité de captage de carbone est un enjeu énorme. Les pays africains devront faire reconnaître qu’éviter la déforestation a une valeur écologique planétaire. Mais que cet effort d’adaptation représente un coût que devront financer les pays industrialisés. L’Afrique doit ainsi faire valoir une logique de compensation : « Rémunérez-nous pour ne pas détruire nos espaces naturels à travers l’exploitation forestière. » C’est un partenariat gagnant-gagnant qui lui permettrait de préserver ses ressources, de créer des emplois et d’augmenter le niveau de vie. Le continent a tout intérêt à mettre la pression et à « vendre » son soutien politique à ceux qui défendront ses propositions à Copenhague. 

Mais l’Afrique paraît peu impliquée ?

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C’est habituel, les pays africains ont du mal à faire entendre leur voix à l’international. Toutefois, dans la perspective de Copenhague, Jean-Louis Borloo, le ministre français de l’Écologie, s’est rendu en Afrique pour solliciter le point de vue de plusieurs États. 

Quels pays africains sont concernés ?

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Tous les pays du bassin du Congo ainsi que l’Afrique orientale où sont exploités de vastes espaces forestiers. Pour ces régions, il y a tout un concept à élaborer de « déforestation à éviter ». En Afrique de l’Ouest, à l’inverse, l’on trouve de nombreux exemples de reforestation. On peut citer les plantations de Jetropha, dont l’huile sert à produire des biocarburants. Ces nouvelles plantations permettent de fixer du carbone additionnel à travers des mécanismes de développement propres. Et à l’avenir, lorsque les négociations d’État à État auront abouti, on peut envisager qu’un groupe chimique d’un pays industrialisé décide d’investir en Afrique dans des plantations qui lui permettront de générer des crédits carbone [c’est l’unité qui équivaut à 1 tonne de gaz carbonique évitée ou séquestrée, NDLR]. 

Ces sujets environnementaux ne sont-ils pas d’abord la préoccupation des pays riches ?

C’est une aimable plaisanterie. Les pays africains sont confrontés à la désertification, la diminution de la pluviométrie, la dégradation des sols, l’épuisement des ressources… L’Afrique est un continent en peuplement. Les problèmes d’environnement sont au cœur de sa survie. De plus, l’un des enjeux majeurs du continent est de mettre en place des capacités de production énergétique plus propres. On estime que l’Afrique subsaharienne perd un point de PIB par an en sous-investissement dans ce domaine. Et il faudrait investir de 10 à 20 milliards de dollars par an pour combler ce déficit. Ni la biomasse, en raison de la déforestation, ni les énergies carbone (pétrole et charbon) ne sont des solutions durables pour l’Afrique, qui a tout intérêt à développer l’hydroélectricité alors qu’elle ne valorise que 5 % à 6 % de son potentiel. 

Peut-on marier croissance et développement durable ?

Les émissions de carbone des pays en développement vont croître. Mais c’est dans leur intérêt d’en émettre le moins possible. Ils seront ainsi moins dépendants des énergies fossiles et ils augmenteront la part d’énergie produite en monnaie locale, donc moins chère. Globalement, le prisme du climat façonnera toutes les politiques économiques à venir. Si l’on rate les objectifs de réduction des émissions de carbone, l’Afrique sera la première victime des dérèglements climatiques. Elle a tout intérêt à participer aux négociations et à valoriser ses solutions. 

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