Polémiques au bord du gouffre

Le double scrutin européen et régional du 7 juin est crucial pour l’avenir du pays. Mais le niveau des débats n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

Publié le 2 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Il y a au moins un point sur lequel Flamands et Wallons sont d’accord : la campagne pour le double scrutin européen et régional du 7 juin est davantage marquée par les scandales à répétition et les sempiternelles bisbilles intercommunautaires que par la haute tenue des débats qu’elle suscite.

Dernier exemple en date dans le très convoité arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHL), qui compte dix-neuf communes, dont certaines bilingues en territoire flamand. Ne supportant plus que des francophones puissent voter pour des partis représentant leur communauté, les néerlandophones ont tout bonnement badigeonné de blanc ou refusé de coller leurs affiches rédigées en français (une obligation légale). Certains bourgmestres menacent même de ne pas organiser le scrutin. De leur côté, les édiles francophones envoient leurs convocations en français, alors qu’ils ont obligation de le faire d’abord en flamand. Et puis, dans les deux régions, la multiplication des affaires ne va sûrement pas contribuer à dissiper la défiance des 7 millions d’électeurs à l’égard de la classe politique.

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En Wallonie, la presse a révélé le détail d’une mission parlementaire aux États-Unis. Sur les onze jours qu’a duré leur voyage (coût : 80 000 euros), les sept députés en ont passé sept à visiter la Californie en compagnie de leurs épouses. En Flandre, le député libéral-populiste Jean-Marie Dedecker, un ancien judoka en plein envol dans les sondages, n’a pas hésité à faire suivre Karel de Gutch, le ministre des Affaires étrangères, par un détective privé. Simple « opération de contrôle de l’exécutif », a-t-il plaidé !

Toutes ces histoires relèguent les questions de fond au second plan. Or ce scrutin est crucial. Après le 7 juin, de très importantes négociations doivent s’ouvrir. Au menu : la poursuite de la réforme institutionnelle engagée il y a plus de quinze ans (transfert aux régions d’une partie des compétences de l’État fédéral), la scission de « BHL », la régularisation des sans-papiers et la résorption d’un déficit budgétaire de 13 milliards d’euros.

Au début des années 1990, pour faire retomber la tension entre Wallons et Flamands, les politiques avaient choisi de faire évoluer le pays vers une fédération avec sept niveaux de décision : l’État fédéral, les trois régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles-Capitale) et les trois communautés linguistiques (néerlandophone, francophone et germanophone). Hélas, loin d’apaiser les esprits, la réforme les a désorientés un peu plus. Et aggravé la fracture communautaire. Forts de leurs poids économique et démographique (80 % des exportations, 60 % de la population), les Flamands ont progressivement imposé aux Wallons leurs vues sur le fonctionnement de l’État fédéral. Régions et communautés ont considérablement accru leur autonomie en matière d’économie, d’éducation, de police…

« Les politiques flamands en demandent toujours plus, regrette Bertin Mampaka, échevin et député bruxellois d’origine congolaise. Quand les gouvernements régionaux et communautaires auront été mis en place, fin juin ou début juillet, on va établir un calendrier et recommencer à discuter de questions qui fâchent. » Il est certain que les Wallons ont beaucoup à perdre d’un renforcement des compétences des régions en matière de justice, de sécurité sociale, de transports ou de relations internationales. Actuellement, une bonne partie des taxes sont encore prélevées au niveau fédéral, avant d’être redistribuées dans les différentes régions…

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C’est au Premier ministre, le Flamand Herman Van Rompuy, que reviendra la lourde tâche de relancer les discussions sur l’immigration, l’avenir de « BHL » et la réforme de l’État. Les débats s’annoncent houleux. Il ne fait guère de doute que la question d’une séparation pure et simple des deux communautés – donc d’un éclatement du pays – va revenir sur le tapis. 

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