Le scrutin qui ennuie tout le monde

L’abstention pourrait battre des records lors des élections européennes du 7 juin. Quant aux états-majors politiques, ils ont déjà les yeux rivés sur la présidentielles de 2012.

Publié le 2 juin 2009 Lecture : 5 minutes.

Entre le 4 et le 7 juin, 500 millions d’Européens seront, dans vingt-sept pays, appelés à élire leurs 785 députés. Il s’agit, après l’Inde, de la deuxième plus importante expression populaire au suffrage universel direct. Et pourtant, en France, l’abstention battra, selon toute vraisemblance, des records. D’après la plupart des instituts de sondages, elle pourrait atteindre la barre des 60 %.

C’est tout le paradoxe de cette élection. Plus l’Europe intervient dans la vie politique française, plus les électeurs se désintéressent de l’élection de leurs représentants. Les chiffres sont éloquents. En 1979, année de la première consultation de ce type, la participation était de 61 %. Il y a cinq ans, lors du dernier renouvellement, elle est tombée à 42,8 %.

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Un comportement déconcertant alors même que l’essentiel du travail de l’Assemblée nationale et du Sénat consiste aujourd’hui à mettre la législation française en conformité avec les directives européennes. Mais voilà, plutôt que de partir à l’assaut des nouveaux centres de décision, le corps électoral préfère déserter les urnes.Il faut dire que tout concourt à décourager l’électeur. Le mode de scrutin, d’abord. La France a choisi de découper son territoire en huit circonscriptions régionales qui enverront un nombre variable de députés siéger à Strasbourg et Bruxelles. La profusion de candidats, ensuite : 3 115 répartis sur 161 listes. Alors que la représentation française n’est que de 72 sièges…

Rendez-vous manqué

Mais ce maquis procédural n’explique pas tout. L’Europe peine à faire la démonstration de son utilité. La crise qui frappe l’économie mondiale aurait pu lui donner une occasion historique d’affirmer enfin son rôle protecteur. Las, le rendez-vous a été manqué. Les institutions de Strasbourg et de Bruxelles se sont révélées incapables d’accoucher d’un plan de relance commun aux vingt-sept États membres. En lieu et place, les citoyens européens ont eu droit à une addition de plans nationaux, plus ou moins concertés avec les partenaires. Comme si l’exécutif national reprenait le contrôle des opérations dès lors qu’il s’agit de décisions stratégiques.

Résultat, le scrutin européen sert de défouloir. Une sorte de match revanche – sans conséquences immédiates – de l’élection présidentielle. Ou de répétition générale de celle qui vient.

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C’est encore le cas, mais, cette fois, la donne politique réserve quelques surprises. Ainsi, d’ordinaire, la majorité en place a droit à un laminage en règle. Or, bien que la cote de Nicolas Sarkozy soit au plus bas dans l’opinion, l’UMP, le parti du président, se maintient. Les sondeurs lui accordent autour de 26 % des intentions de vote. Cinq points de moins que le score du candidat Sarkozy au premier tour de la présidentielle. Un effritement, mais certainement pas l’effondrement espéré par les socialistes. Et encore moins un renversement de tendance.

Pourquoi ? Parce que la gauche patine. Ces derniers mois, en toute logique, le Parti socialiste aurait dû faire son miel de la crise et de ses conséquences sur le marché de l’emploi. Il n’en est rien. Donné aux alentours de 19 %, le Parti socialiste reste loin, très loin de son score historique des européennes de 2004 (28,90 %).

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« Le PS est aujourd’hui dans la situation de l’omelette, commente l’un de ses dirigeants nationaux. On la grignote par ses deux extrémités. À droite, il y a le Modem de François Bayrou. À gauche, Olivier Besancenot et son Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Comme à la cantine, plus le temps passe et moins il reste d’omelette dans le plat. »

À droite, donc, Bayrou, l’ancien candidat à la présidence de la République, que la garde des Sceaux, Rachida Dati, a perfidement qualifié de « meilleur des socialistes ». De fait, cet ancien centriste a endossé sans complexe l’uniforme d’opposant numéro un à Sarkozy. Imitant en cela un certain François Mitterrand, issu lui aussi de la droite, qui, en 1965, avait réussi à mettre de Gaulle en ballottage. On connaît la suite…

Bayrou aurait tort de se gêner. D’abord parce qu’après le désastreux congrès de Reims, le PS est paralysé par une crise de leadership qui rend son message inaudible. Ensuite parce que l’arithmétique électorale lui ouvre un boulevard. La présidentielle de 2007 l’a prouvé : la gauche, même rassemblée, reste minoritaire (46,94 % des voix au second tour). Dès lors, en 2012, il lui faudra nouer des alliances. Et Bayrou entend bien être le fédérateur de ce rassemblement.

« En gros, décrypte un jeune-turc du PS, Bayrou nous dit : “Vous avez le choix : ou le PS vote pour moi en 2012, ou vous reprenez Sarkozy pour cinq ans.” Nous voilà condamnés à jouer les supplétifs du Modem. C’est à se flinguer ! »

Premier faux pas

Pour que ce savant calcul devienne réalité, il faut encore que le Modem fasse la démonstration de son poids électoral. Et la partie est loin d’être gagnée. En 2007, Bayrou a rassemblé 18,6 % des électeurs sur son nom. Pour l’heure, les sondages ne créditent sa formation que d’un modeste 14 %. Si cette tendance se confirmait, c’est la suite de son aventure politique qui serait remise en question.

À l’autre bout de l’omelette, pour filer la métaphore, il y a Olivier Besancenot et son NPA. Tout feu tout flamme depuis que les salariés se radicalisent face aux licenciements. À 6 %, il peut en effet plastronner. Mais le chouchou des médias a peut-être commis son premier faux pas politique. Un rival, à gauche de la gauche, est en passe de lui ravir la vedette : le sénateur Jean-Luc Mélenchon, qui a quitté le PS il y a quelques mois pour fonder le Parti de gauche. Cet ancien trotskiste, animateur de la campagne du « non » au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, a appelé au regroupement de toutes les formations de la gauche non socialiste. Proposition que Besancenot a dédaigneusement rejetée. Résultat : Mélenchon est désormais devant le NPA avec 7% des intentions de vote.

Quelle que soit l’issue de cette bataille picrocholine, l’addition des deux courants représente l’équivalent des deux tiers de l’électorat socialiste. Et presque autant que l’électorat de Bayrou. Au soir du 7 juin, une fois consacré leur échec, les socialistes seront contraints de trancher sur leur stratégie pour les prochaines années : à gauche toute ou cap au centre droit. Et l’Europe dans tout ça ? Ce sera pour une prochaine fois.

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