Erreur de transmission
Tel-Aviv n’est plus opposé à la candidature de l’Égyptien Farouk Hosni au poste de secrétaire général de l’institution onusienne. Mais certains, apparemment, l’ignoraient…
Peut-on être à la fois dans la ligne de mire des Frères musulmans, du sulfureux chef de la diplomatie israélienne Avigdor Lieberman et de Bernard-Henri Lévy ? La réponse est oui quand on s’appelle Farouk Hosni et que l’on est le premier candidat arabo-musulman qui part favori à l’élection du directeur général de l’Unesco, en octobre. Pourtant, l’Égyptien Farouk Hosni, 71 ans, a le profil idoine : artiste peintre internationalement reconnu, ancien attaché culturel à Paris et à Rome, ministre de la Culture depuis vingt-deux ans, appartenant au camp « modéré », en politique comme en religion.
Homme de conviction, Hosni n’a pas la langue dans sa poche. En 2006, il avait suscité un tollé en déclarant publiquement que le port du voile constituait « un retour en arrière ». « La pudeur de la femme est une question de conviction intime », avait-il affirmé, suscitant l’ire des Frères musulmans et des oulémas d’Al-Azhar.
Nouvelle polémique l’année dernière quand il déclare, devant le Parlement égyptien, qu’il est « prêt à brûler lui-même » les livres en hébreu qui auraient été introduits à la bibliothèque d’Alexandrie. Il n’en fallait pas plus pour que la diplomatie israélienne décide de faire campagne contre sa candidature, dénonçant des déclarations « incompatibles » avec la direction de l’Unesco, l’une des rares institutions onusiennes avec laquelle Israël entretient des rapports normaux. Et qui, surtout, a son mot à dire sur le patrimoine culturel de Jérusalem.
Dans le sillage des attaques israéliennes, trois intellectuels juifs, l’Américain Elie Wiesel et les Français Claude Lanzmann et Bernard-Henri Lévy unissent leur plume pour dénoncer « la honte » et la « forfaiture » que constituerait l’élection de Hosni. « Homme dangereux », « incendiaire des cœurs et des esprits » : dans les colonnes du Monde du 21 mai, les vigiles de la lutte contre l’antisémitisme n’ont pas de mots assez durs pour stigmatiser l’artiste égyptien.
Mais le calendrier de cette indignation est déréglé, puisque quelques jours auparavant, le 11 mai, à l’issue d’une rencontre à Charm el-Cheikh avec le président Moubarak, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’était engagé, par souci « d’apaisement », à lever l’opposition de son pays à la candidature de Hosni. Le 14 mai, un télégramme chiffré était adressé aux chancelleries de l’État hébreu pour les informer de ce revirement. Rendu public seulement le 24 mai, cet « accord secret » aurait été conclu « à la demande » du président égyptien, dont Hosni est un proche, et n’a sans doute été que trop tardivement communiqué au trio Wiesel, Lanzmann, BHL. Et, pour solder cette vénéneuse agitation diplomatico-médiatique, Hosni s’est à son tour invité le 28 mai dans les colonnes du Monde pour exprimer ses « regrets » d’avoir évoqué un autodafé des livres israéliens. « Je l’assume librement et sans pression », s’excuse le ministre égyptien, avant d’ajouter : « La normalisation culturelle entre le monde arabe et Israël ne se décrète pas : elle sera le fait des peuples quand la paix sera une réalité dans toute la région. »
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