La question qui fâche
S’interroger aujourd’hui sur la longévité d’Ahmed Ouyahia à son poste de Premier ministre peut sembler incongru. Voire malveillant aux yeux de ceux qui, à Alger, s’évertuent à vouloir lire entre les lignes, convaincus d’y voir prises de position subliminales, critiques en creux ou soutiens masqués. En Algérie, comme ailleurs en Afrique, les politiques, pour vivre heureux, préfèrent vivre cachés. Mieux vaut donc éviter les questions qui fâchent…
Point de malice dans cette enquête sur le duo qui dirige l’Algérie. Mais une interrogation réelle : Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Ouyahia, dont les relations n’ont jamais été un long fleuve tranquille, travailleront-ils ensemble jusqu’à la fin du mandat du chef de l’État ? Vu leur histoire commune et l’ampleur de la tâche qui les attend (voir J.A. n° 2518) dans un pays où il reste tant à faire, la question mérite d’être posée, aussi désobligeante soit-elle pour l’intéressé.
Ouyahia n’est pas un Premier ministre comme les autres. Des cinq chefs de gouvernement qui ont travaillé avec Bouteflika, il est celui qui détient le record de longévité. Comme Smaïl Hamdani, Premier ministre de Zéroual, que Bouteflika conserva quelques mois (de mai à décembre 1999), le temps de s’installer à El-Mouradia, et Ahmed Benbitour (décembre 1999-août 2000), Ouyahia ne fait pas partie du premier cercle du « raïs ». « C’est un “soldat” discipliné, intelligent, travailleur et rigoureux », confie un ministre de son gouvernement. Mais, contrairement à Ali Benflis, il n’est ni l’homme de confiance ni l’héritier que Bouteflika avait cru déceler en celui-ci. Contrairement à Benflis, toujours, Ouyahia ne se présenterait jamais contre « Boutef »…
Travailler avec le chef de l’État n’est pas chose aisée. Benflis décrit un personnage colérique, comme pouvait l’être Boumédiène. Benbitour lui reproche sa fibre autoritaire. Avec Hamdani, les rapports étaient courtois, mais distants. Bouteflika s’attarde sur des détails qui semblent sans importance, consulte en dehors des cercles du pouvoir, prend son temps, trop, parfois, au goût de ses collaborateurs. Il est exigeant, mais si l’on a avec lui une relation antérieure à son arrivée au pouvoir, on peut plus facilement débattre, voire le contredire. Alors qu’il n’entre pas dans cette catégorie, Ouyahia est l’un des rares à savoir le faire changer d’avis. Comme l’explique Cherif Ouazani, la complémentarité entre les deux hommes – à défaut de complicité et d’affinités – est une évidence et constitue une aubaine pour l’Algérie. S’interroger sur la longueur du chemin qu’ils pourraient parcourir ensemble ne revient pas à souhaiter leur séparation, ni même à en annoncer les prémices. Bien au contraire.
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