Tandja limoge les députés

En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, le chef de l’État engage l’épreuve de force avec ceux qui s’opposent à son maintien à la tête du pays.

Publié le 2 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

Le président Mamadou Tandja a engagé le bras de fer avec les partis (autant dire l’ensemble de la classe politique) opposés à son idée d’organiser un référendum en vue de changer la Constitution, qui l’empêche de briguer un troisième mandat. Il a annoncé, le 26 mai, la dissolution de l’Assemblée nationale, une institution au sein de laquelle son propre parti, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara), dispose d’une majorité relative (48 sièges sur 113). Pourquoi s’en prendre aux députés à moins de six mois de la fin de la législature ?

Une semaine après avoir dévoilé ses intentions, le 4 mai à Agadez, Mamadou Tandja adresse aux parlementaires une lettre pour les informer officiellement de sa volonté de solliciter le suffrage universel pour l’adoption d’un nouveau texte fondamental et la mise en place d’une VIe République. Le 11 mai, une vingtaine de députés (toutes tendances confondues) saisissent la Cour constitutionnelle pour qu’elle statue sur la validité de la démarche présidentielle. Une initiative qui a fortement déplu à Mamadou Tandja, d’autant que la prestigieuse juridiction a émis, le 25 mai, un avis défavorable. L’arrêt lève toute ambiguïté : « Le président de la République ne saurait engager ou poursuivre le changement de Constitution sans violer son serment. » Mamadou Tandja est furieux. Comment peut-on se permettre de soupçonner l’officier supérieur qu’il fut de vouloir finir parjure ? Sa colère s’abat sur les députés.

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En fait, l’épisode de la Cour constitutionnelle a constitué un avertissement pour Tandja : un Parlement hostile dispose de capacités de blocage des institutions. Il pourrait, par exemple, renverser le gouvernement par une motion de défiance. Comment organiser un scrutin référendaire avec une telle menace planant sur l’exécutif ? La dissolution du Parlement annonce une crise politique aux conséquences imprévisibles. Elle élargit le cercle, déjà imposant, des adversaires du « Tazartché » (ce terme haoussa signifiant la continuité est le nom donné au mouvement regroupant les partisans du troisième mandat sollicité par Tandja) et sert d’argument de mobilisation au Front uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques (Fusad), une coalition qui regroupe partis politiques, centrales syndicales et de nombreuses associations de la société civile, tous opposés au troisième mandat. Mais le Fusad n’est pas le seul souci de Mamadou Tandja. Un autre facteur risque de perturber son sommeil : le temps.

Selon la Constitution qui est toujours en vigueur, la dissolution du Parlement l’oblige à organiser les élections législatives dans les quatre-vingt-dix jours suivants. Soit avant le 25 août 2009. Outre la présidentielle de novembre et la consultation référendaire, un autre scrutin devait avoir lieu : les élections municipales, initialement prévues en juin 2009. Les 6 millions d’électeurs d’un des pays les plus pauvres du monde, coupé en deux par les agissements d’une rébellion touarègue moins disposée au dialogue qu’on ne le dit, et dont la partie nord est toujours soumise à l’état d’urgence, devraient donc être convoqués, en un semestre, à quatre scrutins aussi coûteux qu’incertains. Chaque jour, à Niamey et dans les grandes villes du pays, partisans et adversaires du Tazartché battent le pavé. Pour l’heure, les confrontations ne sont que verbales, mais la tension risque de monter durant les campagnes électorales à venir.

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