Profil bas, profits en hausse

Même si les distributeurs et les marchands optent pour une certaine discrétion, les fumeurs sont toujours plus nombreux. Et plus jeunes.

Publié le 1 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

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L’Afrique malade du tabac

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« Il n’y a aucun problème dans notre secteur ! » Nikiema, le gérant du kiosque à cigarettes situé face à l’Hôtel Azalaï, dans le centre de Ouagadougou, ne connaît pas la crise. Après dix-huit ans de service, ce jeune homme au physique athlétique arbore toujours un sourire enjôleur. Son commerce se porte bien. Il vient même d’agrandir son stand. Ce secteur d’activité met à l’abri du besoin quelque 3 000 vendeurs dans la capitale burkinabè. Même s’il ne garantit pas leur fortune.

Les industriels aussi ont de beaux jours devant eux. Avec 2,6 milliards de « bâtons » écoulés chaque année, le marché national est loin d’être saturé. Il est même modeste comparé à la Côte d’Ivoire ou au Maghreb, par exemple. « Notre croissance est de 2,4 % chaque année », affirme Lassine Diawara, président de la Manufacture burkinabè de cigarettes (Mabucig), l’ancienne filiale du groupe Bolloré et premier industriel du pays. À l’instar de la bière ou des jeux (tiercé à distance, loterie…), les « cigarettiers » ne sont pas touchés par la conjoncture internationale. Mieux, leurs produits seraient une valeur refuge. « Les gens cherchent à décompresser. Ils veulent oublier leurs problèmes », affirme Nikiema.

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Malgré ces perspectives, le Burkina n’est plus cet eldorado où tout est permis. Depuis l’adoption de nouvelles législations et les condamnations, aux États-Unis notamment, des multinationales à indemniser les victimes du tabac, les professionnels font profil bas. « Nous ne nions pas ses méfaits sur la santé », explique Bertrand Vezia, directeur général de la Mabucig. « Le tabac étant notre métier, nous le faisons sans honte dès l’instant où nous y sommes autorisés. Mais nous n’allons pas chercher le bâton pour nous faire battre. Nous mettons seulement le produit à disposition », conclut-il. « Discrétion » est devenu le maître mot. En interne, Mabucig a même défini une charte de bonne conduite. « Nous ne sponsorisons plus les manifestations sportives et ne ciblons plus les jeunes », assure-t-on. Il faut dire qu’en avril 2004 l’entreprise avait été assignée en justice après avoir soutenu le festival de jazz de Ouagadougou.

Sur la grande avenue Kwame-Nkrumah qui traverse la capitale, le siège de l’entreprise est discret, à l’image de cette stratégie. Pas de réclames tapageuses, ni d’affiches claironnantes. Tout juste peut-on apercevoir quelques véhicules de la société devant l’immeuble. Pourtant, avec 75 % des ventes et un chiffre d’affaires de 28 milliards de F CFA en 2008, la Mabucig – qui distribue les marques d’Imperial Tobacco – écrase la concurrence et devance nettement les rivaux Philip Morris et British American Tobacco.

Si l’engouement des Burkinabè pour la cigarette ne faiblit pas, il a naturellement son revers. Dans les hôpitaux du pays, à commencer par l’hôpital central Yalgado de Ouagadougou, plus de la moitié des patients venus consulter pour des maladies des voies respiratoires fument. « Le nombre de cancers est encore limité du fait du jeune âge de la population, explique le docteur Emile Ouoba. Mais c’est une bombe à retardement. » Les législations trouvent leurs limites. Si le Burkina a ratifié, en 2006, la convention de l’Organisation mondiale de la santé et adopté une loi, en 1997, interdisant la publicité, les vendeurs de rue sont toujours là, les kiosques ne font pas la distinction entre adultes et mineurs… Il n’est pas rare de voir des adolescents acheter des « tiges » sans être inquiétés. Les contrôles sont inexistants. Une interdiction de fumer dans les lieux publics limiterait-elle le tabagisme ? Ce n’est pas sûr, les principaux espaces de convivialité (restaurants, maquis, dancing…) sont généralement à ciel ouvert.

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