Droits de l’homme en crise
Le rapport annuel d’Amnesty International (AI) rendu public le 28 mai est formel : derrière la crise économique mondiale se cache une profonde crise des droits humains. Et tout n’a pas commencé en septembre 2008 avec l’effondrement des banques et les krachs boursiers : les premiers symptômes du mal sont apparus il y a plus d’un an, sous la forme d’une crise alimentaire et énergétique. Dans les 157 pays étudiés par le rapport, les sociétés – et surtout leurs franges les plus pauvres – s’en sont trouvées fragilisées. L’avenir promet d’être difficile puisque, à en croire la Banque mondiale, la récession pourrait faire basculer plus de 50 millions de personnes dans la misère.
Selon Irène Khan, la secrétaire générale d’AI, « le monde est assis sur une bombe à retardement ». Prenant prétexte de la crise, les gouvernements ont tendance à se concentrer sur l’économie et à reléguer la question des droits de l’homme au second plan, sacrifiant les budgets de la culture, de la santé ou de l’éducation pour financer leurs mesures de relance.
En 2008, ce contexte a contribué à exacerber les tensions entre communautés. En Afrique du Sud, ce sont les immigrés zimbabwéens qui en ont été les victimes. Partout, les mouvements protestataires se sont multipliés, souvent réprimés dans le sang, comme en Égypte ou au Cameroun, où une centaine de personnes ont été tuées lors de manifestations contre la vie chère. « La récession a aggravé les atteintes aux droits humains et détourné l’attention de celles-ci », déplore le rapport.
Ce dernier juge sévèrement l’action du G-20, ce groupe de pays qui s’est arrogé le leadership du monde et qui est loin de montrer l’exemple. La Chine, l’Arabie saoudite et les États-Unis ne détiennent-ils pas des records en matière d’exécutions capitales ou d’actes de torture ? Pis, il aura fallu que la crise éclate pour que les pays les plus riches débloquent des milliards de dollars, alors même qu’ils affirmaient ne pas disposer des fonds nécessaires pour lutter contre la pauvreté.
Le rapport reproche enfin à la communauté internationale d’avoir réagi avec une tiédeur « choquante » aux récents conflits de Gaza ou du Darfour, et de pratiquer la politique du « deux poids, deux mesures » dans le domaine des droits de l’homme. « De gros budgets sont consacrés à la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, mais rien n’est fait pour empêcher l’entrée d’armes qui tuent des civils dans ce pays. » Conclusion ? Ignorer une crise pour se concentrer exclusivement sur une autre est le meilleur moyen d’aggraver les deux.
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