Jeux de dames
Ces derniers temps, je reçois régulièrement des invitations à des déjeuners organisés au sein de représentations étrangères à Paris. Ce qui n’aurait pas mérité d’être signalé si lesdites invitations n’émanaient de femmes pour des rendez-vous 100 % féminins.
Un phénomène nouveau semble s’épanouir, une mode diplomatique qui consiste à venir papoter avec une ministre française, voire plusieurs, des représentantes d’ambassades ou de grandes institutions internationales et des « femmes de ». Vous pouvez débarquer en tailleur ou en grand décolleté, vous avez droit à des bisous appuyés ainsi qu’à des propos sincères et décontractés – les hommes n’étant pas là pour juger, ni intimider. Mais qui a relancé cette mode des temps jadis ? Les pays arabo-musulmans, bien sûr, par le biais de leurs ambassades à Paris. La formule fonctionne déjà pour les hommes, qui se rencontrent sans leurs épouses ni leurs collègues de sexe féminin, une espèce rare dans le métier. Là, il s’agit de dames qui invitent des dames, sirotent tranquillement leur thé, se servent délicatement de sucreries. Et ces rencontres font école. Désormais, même sous les lambris de la République (aux frais de la princesse, peut-on dire), les Shéhérazade s’épanouissent, se laissent aller à des confidences, s’aventurent à parler un peu de politique, beaucoup de leur vie de femme, de leur personnel domestique parfois, et finissent par se passer l’adresse d’un bon coiffeur ou d’une bonne masseuse.
Comment expliquer cette (ré)introduction du « harem » politique dans la maison France ? Est-ce un piège dans lequel tombent les femmes d’origine arabe de Paris, en relayant des habitudes héritées de leurs grands-mères, ou est-ce la meilleure chose qui puisse arriver aux Français, lesquels ont, peut-être, perdu l’art de la convivialité au féminin ? Est-ce un réel acquis pour les femmes, toutes origines confondues, ou un compromis supplémentaire avec la tradition française prônant l’égalitarisme ? Personnellement, je ne sais pas quoi en penser. Les plus optimistes affirment que cela permet de damer le pion à un usage qui veut qu’une femme d’ambassadeur soit uniquement une épouse et non pas une représentante digne et influente de son pays. Et les mauvaises langues susurrent qu’on remet au goût du jour la diplomatie des ichouiette, ces après-midi de thé à la menthe et de farniente oriental pour épouses de diplomates qui s’ennuient en bord de Seine.
Si les Gaulois en mal d’exotisme acceptent ces us et coutumes, pourquoi pas ? Cela peut aider à humaniser les ambassades de la capitale habituées aux costumes sombres et aux démarches viriles. L’essentiel est qu’on ne subisse pas une insidieuse poussée de sexisme, fût-elle inconsciemment acceptée par les femmes. Ce serait alors manquer un peu (beaucoup) de loyauté vis-à-vis de la République française. Bref, lui faire un enfant dans le dos !
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