Vers l’université en langues africaines
Écrivain burkinabè
La descente aux enfers du peuple noir repose sur son mépris des valeurs éducationnelles. L’Afrique noire a suffisamment payé le prix du sang et nous devons avoir le courage intellectuel de voir certaines vérités en face pour pouvoir changer. La première d’entre elles est issue d’un constat étourdissant. La pénétration de l’islam en Afrique noire a produit des milliers de lettrés depuis plusieurs siècles. Or pourquoi aucune bibliothèque n’a-t-elle été construite par et pour les Subsahariens ? Ailleurs, sur chaque continent, on retrouve des traces de bibliothèques anciennes, ce qui montre un esprit de conservation et de valorisation des œuvres intellectuelles. Quant au mot « académie », que faudra-t-il pour le rendre vivant sur le continent ? L’académie, véritable société savante de lettrés, demeure un miroir aux alouettes.
Fort de tout ce qui précède, nous croyons que l’Union africaine devrait envisager des études de faisabilité pour la création d’une université aux normes modernes où l’enseignement se ferait en langue vernaculaire. D’une manière symbolique et psychologique, le fait de voir sur un même campus des langues africaines enseignées avec un diplôme à la clé, comme le haoussa, le yorouba, le swahili, le dioula, etc. décomplexera l’être noir. L’investissement des intellectuels pour qu’un tel projet aboutisse semble fondamental.
Les tares intellectuelles sévissent sur notre continent parce que nous nous refusons à combattre – ou même seulement à voir en face – certaines réalités gênantes. La classe intellectuelle noire ne se mobilise pas autour de la nécessité de rejeter certains records mondiaux en notre possession, comme celui du taux de lecture le plus bas, celui du taux de fréquentation des musées également le plus bas (pour autant que des musées dignes de ce nom existent)… Les salles de théâtre sont désertes et les salles de cinéma disparaissent. Aucun écrivain, ni aucun savant, ne peut vivre de son œuvre intellectuelle en Afrique subsaharienne. Combien d’auteurs noirs voient-ils leurs œuvres adaptées au cinéma ? Pourtant, Picasso ne s’est-il pas inspiré de l’art nègre ? Que l’art soit si peu considéré sur le continent, alors qu’ailleurs il est source d’autant de richesses – spirituelles et financières – prouve la mauvaise gouvernance intellectuelle des Africains.
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