L’Italie à (l’extrême) droite, toute !
Confirmation de la poussée xénophobe qui déferle sur la péninsule, les nouvelles lois sur l’immigration clandestine sont les plus répressives d’Europe.
Comme si le calvaire des immigrés clandestins au large de l’île de Lampedusa ne suffisait pas, la Chambre basse du Parlement italien a adopté, le 13 mai dernier, de nouvelles lois durcissant considérablement la lutte contre l’immigration illégale. Aussitôt qualifiées d’inhumaines par nombre d’associations humanitaires, elles créent le délit d’« immigration ou séjour illégal », passible d’une amende de 5 000 à 10 000 euros.
La durée de rétention des clandestins dans les « centres d’identification et d’expulsion » passe par ailleurs de deux à six mois. Quant aux personnes louant un logement à des étrangers en situation irrégulière (ou les hébergeant gratuitement), elles risquent jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Enfin, un immigré séjournant légalement et désirant se marier avec une personne de nationalité italienne est désormais astreint à un délai de deux ans. Il doit en outre présenter sa carte de séjour pour bénéficier des services publics. Une obligation qui porte en elle les germes d’une catastrophe sanitaire pour les clandestins et leurs familles, dont le nombre total est estimé à 1 million d’individus.
Ce nouvel arsenal législatif est loin de faire l’unanimité. Le député de centre droit Rocco Buttiglione redoute par exemple un possible « retour de l’esclavage ». Autrement dit, l’apparition d’une classe de travailleurs dépourvus de toute protection légale. De même, la communauté catholique Sant’Egidio, de concert avec la Conférence épiscopale italienne, critique vertement la politique de défense de la « race » italienne prônée par le président du Conseil, Silvio Berlusconi. « L’idée de la gauche est de faire une Italie multiethnique ; ce n’est pas la nôtre », a répliqué ce dernier. Ladite gauche dénonce une politique « liberticide » et un « retour à la logique des lois raciales de l’époque de Mussolini ».
Car les lois sur l’immigration sont partie intégrante d’un projet sécuritaire plus vaste. Non content de lier insécurité et immigration, celui-ci autorise la création de fichiers de « sans-abri » et légalise les rondes de citoyens non armés pour appuyer la police dans les grandes villes – des brigades qui ne sont pas sans rappeler les « faisceaux de combat » mussoliniens. Une première version de la loi obligeait même médecins et fonctionnaires à dénoncer les clandestins aux autorités. La mesure a été si contestée qu’elle a finalement été retirée.
Moins d’un mois avant les élections européennes, Berlusconi a donc choisi de surfer sur le raz-de-marée xénophobe qui déferle sur la péninsule depuis plus d’un an (voir J.A. n° 2514). Et de ne pas se laisser prendre de vitesse par la Ligue du Nord. Le 9 mai, un responsable de cette formation d’extrême droite dirigée par Umberto Rossi (22 députés et 4 ministres, dont celui de l’Intérieur) est allé jusqu’à proposer de réserver des places aux Italiens de souche dans les transports en commun milanais !
Reste que le durcissement des lois sur l’immigration n’aurait pas été possible sans le règlement du contentieux colonial avec la Libye. Le « traité d’amitié » signé entre les deux pays en août 2008 prévoit, entre autres, le versement de 3,7 milliards d’euros à la Jamahiriya en échange d’un accord de régulation des flux migratoires. Les 6 et 10 mai, cette dernière a, pour la première fois, accepté de reprendre sur son territoire quelque cinq cents clandestins interceptés dans les eaux internationales. En moins de vingt-quatre heures, les malheureux ont été reconduits dans les terribles geôles libyennes, sans même avoir pu déposer une demande d’asile. En 2008, 50 % des 36 000 clandestins arrivant en Italie par la mer avaient pourtant obtenu ledit asile.
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