Manmohan Singh, un libéral à visage humain
Après l’annonce officielle des résultats des élections législatives indiennes, marquées par une écrasante victoire du parti du Congrès, le Premier ministre, Manmohan Singh, a réuni une dernière fois son cabinet, puis a remis sa démission à la présidente, Pratibha Patil. Dès le lendemain, cette dernière l’a chargé de former le nouveau gouvernement. La prestation de serment a eu lieu le 22 mai.
De l’avis de la plupart des commentateurs, le mérite du quasi-plébiscite dont a bénéficié le Congrès revient, pour l’essentiel, à ce petit homme frêle de 76 ans, immuablement coiffé d’un turban, dont la gestion prudente n’a pas peu contribué à sécuriser ses compatriotes en ces temps de tourmente planétaire. « Depuis le début de la crise des subprimes, seize grandes banques américaines ont fait faillite. Si aucune banque indienne n’a été ébranlée, c’est parce que Singh était à la barre », déclarait récemment à la télévision un groupe de petits entrepreneurs et de commerçants, reflétant la confiance que suscite la figure consensuelle du chef du gouvernement. Il est vrai que son honnêteté légendaire fait de lui une sorte d’ovni au sein d’une classe politique notoirement corrompue.
COMME DENG XIAOPING
Premier responsable issu d’une minorité religieuse à accéder à la primature, Singh est membre de la communauté sikhe, une branche de l’hindouisme qui représente 2 % de la population. Il est né en 1932 dans la partie aujourd’hui pakistanaise du Pendjab, mais a grandi en Inde, où ses parents s’installèrent après l’indépendance, en 1947. Fils de paysans modestes, il a fait de brillantes études. « Mon fils, tu deviendras Premier ministre », lui aurait, un jour, dit son père, impressionné par ses résultats scolaires. Il se spécialise en économie, décroche un doctorat à Oxford, puis se lance dans une carrière de haut fonctionnaire, d’abord dans son pays, puis dans les organisations internationales (FMI et ONU).
À l’époque, la politique l’intéresse peu. Pourtant, en 1991, quand le Premier ministre lui propose de prendre en charge les Finances, il se laisse convaincre. L’économie dirigiste mise en place par Nehru dans les années 1950 montre de sérieux signes d’essoufflement. Pour sortir du marasme, Singh introduit des réformes de grande envergure, libéralise l’économie et ouvre le marché intérieur à la concurrence internationale. Bref, il fait ce qu’avait fait Deng Xiaoping en Chine quinze ans avant lui. Cette libéralisation est directement à l’origine du dynamisme actuel de l’économie indienne.
Singh, qui se situe au centre gauche de l’échiquier politique, est pourtant favorable à un libéralisme à visage humain. Depuis son accession à la primature, il y a cinq ans, il a multiplié les mesures sociales en faveur des masses rurales, sans mécontenter la classe moyenne, en pleine expansion, grâce à des taux de croissance vertigineux : 9 %, en moyenne, de 2004 à 2008, 5 % cette année. Sur le plan diplomatique, sa principale réussite a été la conclusion d’un important accord de collaboration nucléaire avec les États-Unis, au grand dam de ses alliés communistes qui ont aussitôt quitté la coalition gouvernementale.
Sans surprise, la Bourse de Bombay a réagi très favorablement au triomphe électoral du parti du Congrès. À l’évidence, patrons et banquiers parient sur une poursuite des réformes auxquelles le nom de Manmohan Singh est attaché.
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