Indestructible dynastie

Elle domine la vie politique locale depuis plus de soixante ans. Après l’écrasante victoire du Parti du Congrès aux législatives, e règne de la famille Nehru-Gandhi n’est pas près de s’achever.

Publié le 26 mai 2009 Lecture : 5 minutes.

Plus grande démocratie du monde, l’Inde vient donc, pour la quinzième fois depuis son indépendance en 1947, d’élire les 543 députés qui composent son Assemblée nationale, le Lok Sabha. 714 millions d’électeurs étaient concernés, dont près de 50 millions de jeunes inscrits pour la première fois, sur une population totale avoisinant 1,2 milliard de personnes. La consultation a duré un mois (16 avril-16 mai), dans les 27 États qui forment l’Union indienne, et s’est déroulée en cinq étapes. Plus de 6 millions de policiers et de contrôleurs des bureaux de vote ont été mobilisés pour assurer le bon déroulement du scrutin. Une partie des 25 millions d’Indiens établis à l’étranger ont pu voter « en ligne », mais, malgré ce qui avait été promis au début de l’année, tous n’ont pas pu le faire. Finalement, 60 % des électeurs potentiels se sont rendus aux urnes. Un taux de participation supérieur aux prévisions. Et à ceux des précédentes consultations. 

Parieurs et astrologues

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Le terme « urnes » est d’ailleurs inexact : dans ce pays où les technologies les plus modernes sont de plus en plus présentes, plus de 1,3 million de « machines à voter » électroniques ont permis de centraliser les votes et de proclamer l’ensemble des résultats en quelques heures. Pour les électeurs analphabètes, de moins en moins nombreux, des symboles permettaient d’identifier les dizaines de milliers de candidats et le millier de partis qui sollicitaient leurs suffrages : la paume de la main droite pour le Congrès ; la fleur de lotus pour le BJP (hindouiste fondamentaliste et nationaliste) ; la faucille et un marteau ou un épi pour les partis communistes ; un éléphant pour le BSP de Kumari Mayawati, la candidate des dalits, les intouchables, ces pauvres parmi les pauvres…

Comme souvent, sondages et prévisions n’ont… rien prévu d’un vote qui a parallèlement mobilisé des milliers d’astrologues et d’innombrables parieurs. Dès le matin du 17 mai, la commission électorale a pu afficher les résultats définitifs : l’Alliance unie et progressiste (UPA), la coalition qui gouverne le pays depuis 2004, obtient 262 sièges, contre 217 en 2004. Le Parti du Congrès, qui la dirige, aura à lui seul 206 députés, son meilleur score depuis 1991. Pour atteindre la majorité requise de 272 voix, il lui suffira de s’assurer le soutien d’une dizaine d’élus d’autres formations, alors qu’il y a cinq ans, treize partis nationaux et régionaux avaient dû s’unir pour former le gouvernement.

Le Congrès n’a donc plus besoin de cajoler les partis communistes et/ou marxistes qui gouvernent le Bengale-Occidental (Calcutta) et le Kerala (Sud). Ces derniers, qui avaient soutenu le gouvernement sortant sans y participer avant de rompre avec lui en juillet 2008, ont reconnu leur « grave revers ». Pour la nouvelle équipe, ils pourraient néanmoins constituer un appréciable appui de gauche.

Puissants dans certaines régions comme le Tamil Nadu, autour de Madras, les partis régionaux n’ont pas réussi de percée nationale. Certains se sont même effondrés. La très médiatique Kumari Mayawati, qui dirige depuis plusieurs années l’État d’Uttar Pradesh, le plus peuplé du pays (190 millions d’habitants, 80 députés), et qui ne cachait pas son ambition de devenir Première ministre, doit se contenter d’une légère progression de son parti.

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Quant à l’Alliance nationale et démocratique (NDA), la coalition qui a gouverné le pays de 1998 à 2004, elle passe de 185 sièges à 157. Sa principale composante, le BJP, n’en obtient pour sa part que 116, alors qu’on lui prédisait un succès massif. Son hostilité aux « religions importées » (islam et christianisme) et le retour qu’il prêche aux valeurs de l’hindouisme n’ont pas séduit des électeurs pourtant traumatisés par les attentats de Bombay (décembre 2008) et inquiets de la situation au Pakistan voisin.

La mise en avant de Narendra Modi, le dynamique ministre en chef du Gujarat, comme probable futur Premier ministre n’a pas davantage permis au BJP de l’emporter. Il est vrai que beaucoup n’oublient pas qu’en 2002 à Ahmedabad, sa capitale, celui-ci avait laissé s’accomplir sans réagir – à supposer qu’il ne l’ait pas suscité – le massacre de plus de 2 000 musulmans. Inversement, d’ailleurs, les 120 millions de musulmans que compte le pays, parfois montrés du doigt en raison de la dérive islamiste de certains d’entre eux, n’ont pas créé de formation politique. 

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Italienne et catholique

Indiscutable vainqueur du scrutin, le Congrès, laïc et de centre gauche, est le plus ancien parti de l’Union indienne : il a été créé en 1885. Avec le Mahatma Gandhi, il symbolise l’action non violente contre le colonisateur britannique, puis l’indépendance. Depuis 1947, il a, au total, dirigé le pays pendant quarante-cinq ans. Le rôle de la famille Nehru-Gandhi, qui a fourni à l’Inde trois chefs du gouvernement (dont deux, Indira et son fils Rajiv, ont été assassinés), y est, aujourd’hui encore, considérable.

C’est d’ailleurs Sonia, la veuve de ce dernier, qui est catholique et d’origine italienne, qui préside actuellement à ses destinées. En 2004, elle avait refusé de diriger le gouvernement, tâche qui, traditionnellement, revient pourtant au chef du parti le plus puissant. Du coup, le président de l’époque, le musulman Abdul Kalam, avait choisi un sikh, Manmohan Singh. Réélue sans difficulté, Sonia n’a pas ménagé sa peine au cours de la campagne électorale, tenant jusqu’à quatre meetings par jour.

Et la dynastie n’a pas dit son dernier mot ! Fils de Sonia et de Rajiv, Rahul Gandhi, 38 ans, a lui aussi été réélu dans la circonscription familiale d’Amethi. Il est déjà secrétaire général du Congrès et pourrait devenir Premier ministre dans l’hypothèse où le vieux Singh – 76 ans et un récent quintuple pontage ­cardiaque – viendrait à s’effacer. Même sa sœur Priyanka, qui ressemble un peu à Indira, sa grand-mère, ­envisage ­d’entrer en politique lorsque ses enfants seront élevés.

Quoi qu’il en soit, les résultats de ces élections législa­tives démontrent l’attachement d’une grande majorité d’Indiens à la laïcité, aux valeurs sociales et à la tolérance. Le nouveau gouvernement, qui sera formé au début de juin, devra s’attaquer prioritairement à la relance d’une économie touchée moins que d’autres, mais touchée quand même, par la crise mondiale ; à la lutte contre le clientélisme et la corruption ; mais aussi, et surtout, à la réduction des inégalités sociales et de la pauvreté. Comme Manmohan Singh lui-même l’a reconnu, cette dernière touche encore près de la moitié de la population… 

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