L’ombre des pirates
Le climat d’insécurité qui règne dans le golfe d’Aden menace les recettes des droits de passage du canal de Suez, troisième ressource en devises du pays.
Des pirates armés de lance-roquettes, des commandos d’intervention, des millions de dollars évaporés, l’espoir que suscite la fonte des glaces du pôle Nord : l’histoire semble sortie de l’imagination d’un scénariste hollywoodien. Elle se décline pourtant tous les jours dans le golfe d’Aden, au large des côtes somaliennes, et menace désormais la troisième ressource en devises de l’économie égyptienne : les recettes des droits de passage du canal de Suez. À la veille de son 140e anniversaire, le canal conçu par Ferdinand de Lesseps traverse une crise historique en raison des dangers que font peser les actes de piraterie maritime sur la navigation commerciale. Le trafic est en chute libre (1 300 navires en février, contre 1 700 un an plus tôt), tandis qu’au moins cent vingt actes de piraterie ont été officiellement enregistrés sur les douze derniers mois. Les recettes mensuelles se sont contractées de 408 millions à 302 millions de dollars en février.
Principale victime économique de la résurgence du métier de Barberousse, l’Égypte tente de s’associer aux efforts internationaux pour sécuriser le golfe d’Aden, en collaborant avec la force européenne aéronavale Atalante, qui entretient une dizaine de navires patrouillant entre les côtes somaliennes et yéménites. Partenaire stratégique des États-Unis, Le Caire aimerait aussi voir la 5e flotte américaine, basée à Bahreïn, s’impliquer davantage. La France, solidement installée à Djibouti, joue également un rôle moteur dans la lutte antipiraterie et a déjà utilisé la manière forte avec des commandos d’intervention. Mais l’Égypte, qui dispose d’une dizaine de frégates, considère que sa zone naturelle d’influence, et donc d’intervention, est la mer Rouge et peut difficilement se projeter au-delà (le golfe d’Aden est à 2 000 km du littoral égyptien). « Les opérations des pirates menacent la communauté internationale dans son ensemble, pas seulement le canal de Suez et la souveraineté égyptienne », s’est justifié le président Moubarak.
Au Caire, à Washington ou à Paris, on estime que la clé du problème se situe dans le chaos somalien. Pour l’Égypte, le temps presse, d’autant que certains transporteurs (comme le danois Maersk) commencent à dérouter leurs navires par le cap de Bonne-Espérance, préférant assumer le coût d’un tel détour plutôt que l’aléa d’une prise d’otages. Et c’est là que le réchauffement climatique s’invite à la table des armateurs, car la fonte des glaces, largement entamée dans l’Arctique, a ouvert une nouvelle voie maritime entre l’Europe et l’Asie. Plus rapide (de Rotterdam à Shanghai en 18 à 20 jours, contre 28 à 30 jours par la mer Rouge), la route du pôle Nord pourrait donc, un jour, damer le pion au canal de Suez.
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