Les sept plaies d’Israël

Un éditorialiste du Haaretz, Akiva Eldar, juge « délirant » un article récent du nouvel ambassadeur de l’État hébreu à Washington dans lequel celui-ci égrène les menaces existentielles qui pèseraient sur son pays.

Publié le 26 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

Prenons un couple juif désireux d’émigrer en Israël qui viendrait recueillir quelques informations sur la situation du pays auprès d’un émissaire d’une agence juive. « Il se trouve que j’ai reçu aujourd’hui quelque chose qui pourrait vous intéresser », lui répondrait l’émissaire en brandissant un article récent de Michael B. Oren, le nouvel ambassadeur d’Israël à Washington. Cet article, paru dans la dernière édition de la publication juive Commentary, pourrait dissuader tout candidat potentiel à l’émigration de déranger à nouveau l’émissaire. Sous le titre « Les sept menaces existentielles »*, Oren écrit que, s’agissant du nombre – et de la variété – des menaces qui pèsent sur l’existence d’un État, il n’y a aucun cas comparable dans l’histoire contemporaine.

Oren décrit un pays pourri jusqu’à la moelle, gangrené par toutes sortes de maux : du trafic de drogue jusqu’à la traite des Blanches, du commerce illégal d’armes jusqu’au blanchiment d’argent… Même l’armée est rongée par la corruption, ce qui est de nature à affaiblir la volonté des Israéliens de se battre pour leur pays, voire d’y vivre. Oren dénonce également la persécution dont sont victimes à l’étranger les meilleurs fils d’Israël à cause de ce que les détracteurs de l’État hébreu appellent des « crimes de guerre ».

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En lisant cet article, les juifs américains apprendront que les juifs vont bientôt perdre Jérusalem comme capitale éternelle d’Israël, la ville sainte étant aussi menacée dans son existence : les sionistes n’y sont plus majoritaires (il y a 272 000 Arabes et 200 000 juifs ultraorthodoxes, les haredim, sur un total de 800 000 habitants) ; les juifs laïcs la désertent ; la moitié des jeunes Israéliens n’y ont jamais mis les pieds. Selon Oren, « si cette tendance se confirme, le cauchemar de Ben Gourion prendra corps : Israël deviendra un pays sans âme, un grand nombre de juifs ne voulant plus y vivre ou sacrifier leur vie pour lui ».

Sur la liste des périls qui menacent l’existence de l’État hébreu, on trouve ensuite la démographie, le terrorisme et les capacités nucléaires iraniennes. Ici et là, quelques contrevérités historiques, comme l’affirmation selon laquelle aucun leader arabe n’a jamais reconnu l’État juif (la déclaration d’indépendance palestinienne de 1988 reconnaît Israël). De même est-il faux de prétendre que des centaines de juifs ont été tués dans des attentats entre 1957 et 1967 (on compte tout au plus une vingtaine de victimes).

La solution préconisée par l’ambassadeur pour faire face à la menace démographique est significative. Oren recommande rien de moins qu’un retrait unilatéral de Cisjordanie sur des frontières qui auront été définies au préalable en fonction de l’objectif suivant : garder un maximum de population juive, conserver les positions stratégiques, les lieux saints et les ressources naturelles. Autrement dit, notre ambassadeur-historien considère qu’il est possible – et même nécessaire – de continuer de voler aux Palestiniens non seulement leurs terres, mais aussi leurs ressources en eau et leurs mines.

Cet article délirant n’est pas pour surprendre ceux de nos lecteurs qui ont de la mémoire. En décembre 1993, quelques semaines après la signature des accords d’Oslo, Haaretz faisait état d’un document rédigé par Oren et qui recommandait la création d’un « bloc centriste dirigé par le chef d’état-major [d’alors] Ehoud Barak et le député Benny Begin pour contrebalancer Itzhak Rabin, entraîné par la gauche et Yossi Beilin, et Benyamin Netanyahou, prisonnier de l’extrême droite ».

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À l’époque, l’American Jewish Committee, une petite organisation juive, désigna Oren comme son représentant en Israël. Aujourd’hui, Netanyahou – celui-là même qui était prisonnier de l’extrême droite (et qui ne le serait donc plus ?) – a fait de Michael Oren le principal représentant d’Israël auprès de la première superpuissance mondiale.

* La perte de Jérusalem, une démographie arabe galopante, la délegitimation, le terrorisme, un Iran nucléaire, l’érosion de la souveraineté nationale, la corruption.

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