L’Afrique côté off
Retour de Souleymane Cissé, éclosion de nouvelles initiatives et de nouveaux talents… Le cinéma africain n’a pas décroché la Palme d’or, mais il n’a pas été hors jeu pour autant !
Pour les principaux médias, le Festival de Cannes se résume à une compétition pour la Palme d’or opposant une vingtaine de films, le plus souvent œuvres de réalisateurs prestigieux (Tarantino, Loach, Almodóvar, von Trier, Bellocchio ou Resnais, cette année) qui gravissent les marches du Palais en compagnie de « leurs » stars – Brad Pitt, Penélope Cruz ou… le chanteur Johnny Hallyday et l’ancien footballeur Éric Cantona.
Mais si cette quête de la récompense suprême monopolise l’attention du grand public, les quelque trente mille festivaliers, dont plus de quatre mille journalistes venus des quatre coins de la planète, se sont intéressés de plus près à la vie du cinéma. Ils ont pu découvrir les nombreux films présentés hors compétition, assister aux réunions d’information, aux distributions de récompenses (un hommage a notamment été rendu au grand comédien Sotigui Kouyaté) et aux fêtes organisées par des producteurs. Certaines étaient grandioses, comme celle donnée en l’honneur du film d’ouverture des studios Disney-Pixar, d’autres plus modestes mais plus conviviales, comme celle organisée au pavillon des Cinémas du monde pour saluer le retour sur le grand écran du cinéaste malien Souleymane Cissé.
C’est hélas presque uniquement sur ce prolifique versant « off » du Festival que l’Afrique fait l’actualité – le dernier film du continent en compétition, Kini et Adams, d’Idrissa Ouédraogo, date de 1997. Grande effervescence, ainsi, au milieu de la manifestation, quand l’association Des cinémas pour l’Afrique, créée il y a quelques mois sous l’impulsion d’Abderrahmane Sissako pour encourager la réouverture de salles sur le continent, obtient le soutien de personnalités telles que Gilles Jacob, le président du Festival, ou l’actrice française Juliette Binoche. Ou quand les responsables du cinéma algérien, qui assurent tout faire pour favoriser la renaissance du septième art dans leur pays, annoncent qu’une place de choix lui sera réservée lors du Festival culturel panafricain d’Alger, en juillet. On pourra y voir un riche programme de projections, ainsi que le résultat d’initiatives concrètes, comme les deux longs-métrages commandés pour l’occasion aux réalisateurs sud-africain Souleiman Ramadan et algérien Lamine Merbah. Des aides substantielles accordées à des cinéastes africains acceptant de coproduire leur film avec des Algériens sont par ailleurs envisagées. Nombreux sont ceux qui se sont déclarés intéressés, à l’instar du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, qui souhaite travailler dans ce cadre avec l’Algérien Tariq Teguia.
« Adieu Gary » très applaudi
Mais l’essentiel, à Cannes, ce sont évidemment les films projetés. Hormis Cissé, qui a pu présenter son très réussi Min yé… dans la sélection officielle mais malheureusement hors compétition, seules des œuvres de cinéastes de la diaspora ou des sujets concernant l’Afrique, mais réalisés ailleurs, ont retenu l’attention dans différentes sections du festival.
À la Semaine de la critique, le premier long-métrage du Franco-Algérien Nassim Amaouche, très applaudi à toutes les séances, a réussi à faire un peu oublier l’absence chronique du Maghreb. Adieu Gary décrit le combat d’une poignée d’ouvriers – pour l’essentiel des jeunes issus de l’immigration et un Français de souche qui a perdu son emploi, incarné par un magnifique Jean-Pierre Bacri – qui vivent, avec leur famille, sur le site d’une usine de la vallée du Rhône récemment délocalisée. Le récit est une réussite, non seulement grâce à son thème, à la fois attachant et fort, mais aussi grâce à une mise en scène esthétique et très maîtrisée. Il sera dès cet été sur les écrans.
Également très remarqué, en séance spéciale de la sélection officielle, Mon voisin, mon tueur, un documentaire de l’Américaine Anne Aghion sur les tribunaux gacaca au Rwanda, cette juridiction de proximité créée par les autorités pour juger les auteurs du génocide, mais aussi pour permettre aux rescapés et à leurs bourreaux de revivre ensemble, dans leurs villages. Fruit de dix ans d’enquêtes pour des émissions de télévision, le film, s’il n’éclaire pas les événements d’un jour nouveau, donne à voir, sobrement et sans pathos, ce que peut être aujourd’hui la coexistence difficile et douloureuse de ceux qui ont perdu leurs proches avec les responsables de leur malheur, rarement prêts à reconnaître leurs actes pour tenter de se faire pardonner.
Jeune noire de Harlem
Autre film marquant, Precious, de Lee Daniels, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, superbe portrait d’une jeune noire de Harlem sur qui s’abattent tous les malheurs de la terre (viols par un père incestueux dont elle aura un enfant trisomique, coups portés par une mère jalouse, problèmes d’obésité…). L’héroïne est campée par Gabourey « Gabby » Sidibé, une jeune actrice africaine-américaine d’origine malienne, dont le talent est une révélation.
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