Où sont les partenaires ?

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Publié le 25 mai 2009 Lecture : 6 minutes.

S’il voulait convaincre qu’il est urgent de résoudre les problèmes qui se posent au Moyen-Orient et qu’il est déterminé à s’en saisir à bras-le-corps, le président Barack Obama ne s’y prendrait pas autrement : il leur aura consacré une grande partie de son temps au mois de mai. Et il s’apprête à continuer sur le même rythme en juin.

Nous sommes au beau milieu d’un vrai carrousel : à l’invitation du président des États-Unis, se sont succédé à la Maison Blanche le roi de Jordanie (21 avril) et le Premier ministre d’Israël (18 mai) ; y était attendu le président de l’Égypte (26 mai), mais il s’est décommandé pour des raisons d’ordre privé ; et celui de l’Autorité palestinienne sera reçu le 28 mai.

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Le 4 juin, c’est Barack Obama qui se rendra dans la capitale égyptienne pour y prononcer l’adresse qu’il a promis de faire au milliard et demi de musulmans de la planète que son prédécesseur avait traités fort mal, en paroles comme en actes.

Il escompte rétablir le courant entre eux et le peuple américain, et même entre eux et ce qu’on appelle encore l’Occident.

Il n’aura à attendre ensuite que quelques jours pour connaître les résultats de l’élection présidentielle iranienne du 12 juin.

Dès la fin de juin, il pourra entreprendre la mise en œuvre d’une politique dont il a tracé les contours dans une interview à Newsweek publiée cette ­semaine : « Nous voulons donner à l’Iran une chance de se conformer aux normes et aux règles du droit international. Je crois que, finalement, ce sera mieux pour le peuple iranien : la République ­islamique d’Iran peut garder son caractère islamique tout en étant un membre à part entière de la communauté internationale, et non une menace pour ses voisins.

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Nous allons lui tendre la main et essayer de nous débarrasser d’un préjugé vieux de trente ans qui n’a eu aucun effet positif sur la région.

Cette politique va-t-elle réussir ? Nous ne le savons pas. Ce que je peux vous assurer, c’est que je ne me fais aucune illusion sur les difficultés d’un tel processus. Si nos tentatives échouent, le seul fait d’avoir essayé aura renforcé notre position, car nous aurons mobilisé la communauté internationale, alors que l’Iran se sera isolé tout seul, contrairement à ce qu’il cherche. »

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Dans la même interview, il a défini sa politique envers deux autres pays musulmans où les États-Unis sont engagés. Et il a envoyé un message à Israël.

• l’Afghanistan

« Je suis persuadé que nous ne réussirons pas en Afghanistan en nous contentant d’y envoyer de plus en plus de soldats. Les Soviétiques ont essayé ; cela ne leur a pas vraiment réussi. Les Britanniques ont essayé ; ça n’a pas marché non plus.

Notre action militaire doit s’inscrire dans un cadre plus large : rétablir la sécurité et veiller à ce que des élections puissent se tenir, ce qui permettra de travailler au développement du pays, afin qu’un gouvernement démocratiquement élu, tolérant et ouvert soit considéré comme plus légitime qu’un gouvernement taliban.

Pour atteindre cet objectif, la composante militaire est nécessaire, mais pas suffisante. »

• le Pakistan

« Je ne veux pas me lancer dans des hypothèses concernant le Pakistan. Tout ce que je puis dire, c’est que nous avons reçu l’assurance que son arsenal nucléaire est protégé, et que son armée a les moyens d’empêcher les extrémistes de s’en emparer.

La souveraineté du Pakistan doit être respectée. Nous essayons de renforcer ce pays pour en faire un vrai partenaire. L’un des éléments les plus encourageants depuis quelques semaines est que l’armée admet désormais que la plus grave menace à laquelle elle est confrontée vient des extrémistes, et non de l’Inde, qui était son obsession jusque-là. »

• Israël

« En tant qu’allié, je dis à Israël qu’il faut donner une chance à notre nouvelle approche du problème, car c’est elle qui lui offre (et pas seulement aux États-Unis) les perspectives de sécurité les plus sûres. »

(Lire aussi pp. 42-43.)

La vision du président Obama embrasse, comme on le voit, l’ensemble du « Grand Moyen-Orient ».

Vis-à-vis de cette partie du monde qui s’étend du Maghreb au Pakistan, la nouvelle administration américaine semble avoir arrêté ses grandes décisions stratégiques.

Elles sont séduisantes, mais leur mise en œuvre se heurtera aux pires difficultés, car les « partenaires » locaux ne sont pas bons, c’est le moins que l’on puisse dire.â©Ils sont même, osons l’affirmer, très mauvais !

À vrai dire, je ne me souviens pas d’une période de l’Histoire contemporaine où les pays de la région, dans leur ensemble, aient été aussi mal dirigés.

Parmi les gens au pouvoir, pas un seul homme d’État digne de ce nom.

Et, un peu partout, des médiocres ou des manipulateurs : ici un vieux cheval de retour, là un démagogue, ailleurs un politicien blanchi sous le harnais, ou bien « un fils de son père ».

Qui, parmi ceux qui les ont fréquentés, peut soutenir qu’un Hamid Karzaï, en voie de se faire réélire comme président de l’Afghanistan, ou qu’un Asif Ali Zardari, propulsé à la tête du Pakistan, sont à la hauteur de la fonction suprême d’un pays en guerre ? Qui ne sait qu’ils sont on ne peut plus impopulaires, voire méprisés par leurs peuples ?

Qui ne voit qu’un Hosni Moubarak, aussi habile soit-il, est usé jusqu’à la corde et qu’il n’a fait, en trente ans de pouvoir, que présider au lent et inexorable déclin de son pays, l’Égypte, qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été ?

Le Fatah et le Hamas palestiniens sont-ils encore capables de se réconcilier après un divorce aussi tumultueux ? Peut-on attendre des dirigeants actuels des pays arabes qu’ils agissent autrement qu’en ordre dispersé ?

Sur les six millions de juifs israéliens, combien sont fiers d’avoir pour Premier ministre Benyamin Netanyahou et pour ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman ? Combien leur font confiance pour faire prévaloir les intérêts à long terme de leurs pays sur ceux de leurs factions respectives voire sur les leurs propres ?

On ne peut que plaindre Barack Obama, car il n’a pas de partenaire dans la région pour sa politique. Et il faut craindre que, faute d’en trouver, il soit dans l’impossibilité de la mettre en œuvre ou, en tout cas, de la mener avec succès.

L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair l’a très bien compris :

« Barack Obama a créé une situation qui rend ­possible une relation complètement différente avec le monde musulman et le monde en général. La chose la plus importante pour lui est que sa politique de la main tendue soit payée de retour.

Il essaie de changer le Moyen-Orient et le monde : il a besoin de partenaires pour cela. »

La surprise ne peut venir que de l’Iran, dont le Guide suprême, Ali Khamenei, est « une énigme enveloppée dans un mystère ». Aura-t-il la sagesse – et le courage politique – de faire opérer à son pays le virage à 180 degrés auquel l’appelle Barack Obama et de l’engager dans la voie du dialogue d’égal à égal avec les États-Unis ?

Si c’était le cas, il prendrait à contre-pied l’adversaire israélien et ceux des dirigeants arabes tentés de succomber aux chants des sirènes qui les appellent à se joindre à une coalition anti-Iran.

J’en doute. Mais je serais heureux si, dans un mois, dotée d’un nouveau président, la République islamique annonçait à la face du monde qu’elle saisit la main tendue par Barack Obama.

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