Les partenariats public-privé, l’indispensable clarification
Constantin Esanou, avocat au barreau de Paris. Cabinet Naciri & Associés Allen & Overy
Il faudrait 93 milliards de dollars [71 milliards d’euros, NDLR] par an pour combler le déficit d’infrastructures sur le continent : c’est l’estimation avancée par la Banque mondiale dans le cadre du rapport « Infrastructures africaines : une transformation impérative » réalisé en 2010. Actuellement, 45 milliards de dollars y sont consacrés chaque année, 65 % de ces dépenses étant financées sur ressources propres des États et 10 % par l’aide publique au développement (APD). À l’heure où nombre d’États africains sont en partie sortis de la spirale du surendettement, et où les crédits alloués à l’APD sont en baisse en raison de la crise des dettes souveraines des pays développés, le recours à des montages contractuels faisant appel à des financements privés semble inéluctable. Si les partenariats public-privé (PPP) s’avèrent à cet égard incontournables, plusieurs mesures sont toutefois nécessaires pour faire des PPP un outil efficace de développement des infrastructures en Afrique. À commencer par la clarification de leur régime juridique et le renforcement des structures administratives d’appui.
La notion de PPP, devenue fourre-tout, est souvent employée pour désigner un marché public ou une délégation de service public (DSP). À tort. Au sens strict, un PPP est un contrat par lequel une personne publique confie à un opérateur une mission globale comprenant : la conception, le financement, la construction, l’entretien, la maintenance et l’exploitation d’un ouvrage nécessaire à un service public. En contrepartie, l’opérateur reçoit une rémunération couvrant au minimum la charge de l’emprunt bancaire et pouvant varier en fonction des performances qu’il réalise. L’implantation d’une centrale solaire d’une capacité de 160 MW à Ouarzazate, au Maroc, en est un exemple récent : la Moroccan Agency for Solar Energy a confié à un consortium saoudo-espagnol la construction et l’exploitation de la centrale, en échange d’une garantie d’achat de l’électricité produite.
Faire des PPP un outil efficace de développement des infrastructures.
Contrairement au PPP, un marché public procède d’une simple logique d’achat, et non de partenariat. Dans le cas de la délégation de service public, le délégataire tire une part substantielle de sa rémunération des redevances perçues sur les usagers avec les risques d’exploitation qui en résultent et qui dépendent pour une large part de la solvabilité de ceux-ci. Au Sénégal, la Senac, concessionnaire de l’autoroute Dakar-Diamniadio, est ainsi essentiellement rémunérée par les automobilistes.
Si la législation de nombreux pays africains différencie les marchés publics des délégations de service public, ce n’est souvent pas le cas s’agissant de la distinction entre une délégation de service public et un PPP. Dans ces conditions, une clarification des régimes juridiques est indispensable. S’agissant des États membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), l’adoption d’un acte uniforme relatif aux PPP pourrait y contribuer.
Une seconde série de mesures serait nécessaire pour renforcer le cadre institutionnel des PPP, à travers la mise en place d’unités spécifiques. De telles structures, qui existent déjà en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Niger, sont généralement chargées de mener une évaluation préalable de chaque projet afin d’en déterminer la best value for money, c’est-à-dire les avantages juridiques et financiers du recours à un PPP par rapport à un marché public ou à une DSP. Plus fondamentalement, leur généralisation serait de nature à doter les pouvoirs publics de la capacité de négocier des montages complexes avec les consortiums candidats à l’attribution de contrats et les institutions financières intervenant en tant que prêteurs. Là encore, une coordination régionale pourrait être utile, et le projet de la Banque ouest-africaine de développement, qui souhaite créer en son sein une cellule PPP chargée de conseiller les États ou d’intervenir en tant que prêteur, voire d’investisseur, mérite d’être relevé. Nécessaires, ces mesures ne sont toutefois pas suffisantes. Elles gagneraient à être accompagnées d’autres actions garantissant la capacité des projets à être financés, telles que l’adaptation des mécanismes de garanties. La généralisation du recours à l’arbitrage, qui permet d’élever un contentieux devant un tribunal privé et non une juridiction d’État, est également une condition indispensable au développement des PPP en Afrique.
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