Sonatel : vers une sixième semaine de blocage

Alors que l’État a renoncé à vendre ses actions, privant France Télécom du contrôle sur l’opérateur national, la grogne continue de monter.

Publié le 20 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

C’est reparti ! Au bout d’un mois d’efforts, l’État sénégalais ne parvient pas à calmer la fronde des salariés de Sonatel, l’opérateur historique dont France Télécom détient aujourd’hui 42 % du capital. Même l’intervention dans la presse, le 11 mai, de Thierno Ousmane Sy, conseiller du président Wade pour les TIC, n’y a rien fait. Toujours en déplacement et injoignable, l’homme s’exprime rarement en public. Sa longue interview parue dans L’Observateur, où il met à plat les détails de l’opération, était donc de nature à tempérer les ardeurs. Sauf que, trois jours plus tard, elle faisait à l’intérieur de l’entreprise l’objet de commentaires inverses, le personnel retenant deux arguments : le Sénégal et France Télécom sont « liés par un protocole d’accord », le groupe français dispose d’un « droit de préemption et l’État n’a pas l’intention de s’y opposer ».

« Cette interview ne convainc personne », explique Abdallah Ndiaye, secrétaire général du syndicat des salariés de Sonatel Multimédia, interrogé en l’absence d’Aïdara Diop, le syndicaliste le plus en vue dans cette affaire. Dans la filiale multimédia comme dans l’ensemble du groupe, la mobilisation des « Sonatéliens » ne faillit pas depuis le 8 avril, quand le Sénégal a annoncé qu’il allait vendre à France Télécom 9,87 % du capital qu’il détient encore dans Sonatel (27,15 %), donnant au français la majorité absolue (près de 52 %). Au grand dam des salariés sénégalais, inquiets pour l’indépendance de leur groupe et de ses filiales au Mali, en Guinée et Guinée-Bissau. « Cette bataille concerne aussi bien la base que le top-management, qui craint pour sa liberté de décision et sa rémunération dans le cadre de la participation aux résultats », explique un cadre qui préfère ne pas être nommé. À tel point que « les cadres expatriés sont invités à rester chez eux les jours où nous tenons des réunions générales », ajoute un autre.

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Le 3 mai, devant la levée de boucliers – les banquiers de la place se sont également « étonnés » de la méthode choisie pour une société cotée en Bourse (voir J.A. n° 2518)–, les autorités ont changé de cap, annonçant qu’elles allaient procéder à une offre publique de vente. Manière élégante de proposer aux Sénégalais de garder le contrôle de la société, érigée au rang de fierté nationale : « Il s’agit de préserver les intérêts du pays », a prôné le 8 mai Moustapha Niasse, l’un des leaders de l’opposition et ancien Premier ministre, se déclarant prêt à acheter lui-même des actions. Trois jours plus tôt, des centaines de salariés de Sonatel, qui en compte 2 400, défilaient pacifiquement dans Dakar pour que leur entreprise « reste sénégalaise et africaine ».

Que peut-il se passer désormais ? « L’affaire est devenue politique et la situation est bloquée. Le gouvernement a reculé, France Télécom doit montrer qu’il recule aussi », explique un banquier proche du dossier qui demande à ne pas être cité. À Paris, au siège de la multinationale, le service de presse énonce la position maison : « L’État du Sénégal semble avoir pris la décision de ne plus nous vendre ses actions. Une confirmation officielle reste toutefois attendue. » Si les syndicats obtiennent enfin le feu vert des autorités pour leur préavis déposé début mai, ils pourraient lancer un mouvement de grève générale dans la semaine du 17 mai. Ce préavis lui-même est cause de tensions. Le ministère du Travail, où il a été déposé, renvoie vers l’inspection du travail, qui à son tour recommande de saisir le ministère. Qu’à cela ne tienne : « Nous, nous respecterons toutes les étapes », conclut Abdallah Ndiaye.

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