Le Cameroun convoité par les cimentiers

En 2015, la demande nationale doit bondir à 8 millions de tonnes. Une aubaine pour les entreprises étrangères, alors que le pays ne parvient même pas à répondre aux besoins actuels.

L’usine de Cimencam à Bonabéri, (Douala). © Cimencam

L’usine de Cimencam à Bonabéri, (Douala). © Cimencam

OMER-MBADI2_2024

Publié le 2 mai 2013 Lecture : 4 minutes.

L’horizon se dégage pour la cimenterie Dangote, à Douala. Le risque de pollution a été écarté. L’ouvrage de 57 milliards de F CFA (87 millions d’euros), capable de produire 1,5 million de tonnes annuelles, a reçu son certificat de conformité environnementale en février. La contestation conduite par le député Jean-Jacques Ekindi est ainsi évacuée.

Depuis que Paul Biya a ordonné la reprise des travaux, en mars 2012, l’édification de la plateforme rocheuse sur les berges du Wouri, qui accueillera l’unité d’ensachage, avance. Mais vu le retard pris, il n’est pas certain que le premier sac de ciment soit livré en 2015. Une année sur laquelle table également le Camerounais Emmanuel Bopda (groupe Afrique Construction), premier importateur de ciment. Avec une mise de plus de 38 millions d’euros, il compte mettre en service l’usine Boem Steel Industry, d’une capacité de 500 000 tonnes.

la suite après cette publicité

Lire aussi :

Au Cameroun, la croissance est en béton armé
Cameroun : une nouvelle cimenterie au programme
André Fotso : « Aujourd’hui, le Cameroun est un vaste chantier »

En 2015, les besoins du pays s’élèveront à 8 millions de tonnes, selon le ministère de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique. Plusieurs projets structurants (lire l’encadré) – port en eau profonde de Kribi, deuxième pont sur le Wouri, autoroute Douala-Yaoundé, barrages de Lom Pangar (Est), de Memve’ele et de Mekin (Sud), extension du complexe industriel d’Alucam (Rio Tinto) – seront alors en bonne voie. Une perspective qui attire les investisseurs sur un marché dont la production, assurée par la Cimenterie du Cameroun (Cimencam, filiale du groupe Lafarge) avec 1,7 million de tonnes annuelles, n’arrive pas à combler une demande évaluée à 2,5 millions de tonnes par an. 

Chinois éconduits

la suite après cette publicité

À ces besoins s’ajoute la perspective de débouchés régionaux (Tchad, Centrafrique et Guinée équatoriale). Pour maintenir sa position de leader (92 % de part de marché en 2012), la filiale construit une usine de broyage d’une capacité de 600 000 tonnes à Nomayos, dans la banlieue sud de Yaoundé, et projette d’en édifier une seconde dans le septentrion.

Soucieuses de voir baisser le prix du sac de ciment de 50 kg, actuellement homologué à 7,40 euros, les autorités camerounaises ont dans un premier temps déroulé le tapis rouge aux postulants. Elles se sont vite ravisées face à l’afflux de prétendants. « Nous décourageons déjà les investisseurs qui viennent prospecter, souffle un cadre du ministère de l’Industrie. Des Chinois qui envisageaient la construction de deux cimenteries, à Yaoundé et à Limbé, ont récemment été éconduits. » Dernier à être admis, le consortium germano-coréen G Power Cement a signé une convention d’établissement avec le gouvernement le 15 février, pour implanter une unité (800 000 tonnes, extensibles à 1 million) à Limbé. L’investissement, de plus de 45 millions d’euros, comprendra la construction d’un quai cimentier dans la cité balnéaire du Sud-Ouest pour l’importation du clinker (mélange de calcaire et de silice). Une jetée que le consortium partagera avec le groupe sud-coréen et singapourien Afko Cement, qui s’est allié au camerounais Cenainvest (groupe Afriland First Bank) pour une autre unité. Mis sur les rails en 2008, ce projet a demandé plus de 47 millions d’euros et permettra de produire 1 million de tonnes. Les promoteurs viennent de boucler le tour de table, avec l’entrée au capital de l’État (20 %) – à travers un prêt de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) -, et du chinois Sinoma (30 %) par un crédit fournisseur. Prochainement, ces deux acteurs intégreront Dangote Industries.

la suite après cette publicité

Anas Sefrioui, le PDG de Ciments de l’Afrique (Cimaf, groupe Addoha, lire pp. 84-85), avait promis, le 19 mai 2012, que le premier sac sorti de son unité de production (d’une capacité de 500 000 tonnes) serait mis sur le marché en décembre de la même année. Or si des produits estampillés Cimaf sont en effet disponibles, ils proviennent des usines marocaines. La cimenterie, encore en chantier à Bonabéri (Douala), est un premier pas au Cameroun pour le groupe marocain qui envisage aussi de se lancer dans l’habitat social.

Des grands projets en pleins remous

o Les dirigeants de Cam Iron, la filiale de l’australien Sundance, ont tenu à rassurer le Premier ministre Philémon Yang, le 12 avril, après l’échec des négociations avec le chinois Hanlong pour le rachat de la mine de fer de Mbalam, située à la frontière camerouno-congolaise. Avec ses réserves évaluées à 436 millions de tonnes, ce dossier est suivi de près. Le financement de 2 500 milliards de dollars (1 908 milliards d’euros) n’étant pas bouclé, ce fiasco va retarder le démarrage des travaux. Sans être précis, Giulio Casello, le PDG de Cam Iron, affirme avoir pris contact avec d’autres partenaires.

o La centrale à gaz de Kribi, en revanche, est enfin opérationnelle. Elle injecte 216 MW d’énergie électrique dans le réseau interconnecté sud depuis la fin du mois de mars… avec plus de quatre mois de retard, sur fond d’accusations et de contre-accusations entre AES-Sonel et la Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui doit livrer le combustible. Anticipant des délais supplémentaires dans la mise en eau des barrages de Lom Pangar (170 MW), Memve’ele (201 MW) et Mekin (15 MW), la filiale de l’américain AES Corp envisage de porter la capacité de Kribi à 330 MW en 2015.

o Quant au marché relatif à la construction du deuxième pont sur le Wouri (128 millions d’euros), il échoit au groupement Sogea Satom, après un bras de fer avec sa concurrente, Razel.

o La China First Highway s’est, elle, arrogé le premier tronçon (100 km) de l’autoroute Douala-Yaoundé pour plus de 853 millions d’euros.

o Réalisée à 40 %, la construction du port en eau profonde de Kribi (372 millions d’euros) évolue pour sa part sur une mer plus calme. 

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires