Algérie-France : mémoire vive

Comme chaque année au mois de mai, les slogans anticoloniaux refleurissent à l’occasion de la commémoration des événements de Sétif.

Publié le 20 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

En mai fleurissent les slogans anticoloniaux. Crime contre l’humanité, génocide, repentance… En cause, les événements du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma. Ce jour-là, au moment où le monde célèbre la fin du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale, les forces coloniales répriment sauvagement des marches pacifiques d’« indigènes » ayant répondu à l’appel de militants nationalistes pour exprimer leur aspiration à l’indépendance. Le bilan varie d’une rive à l’autre de la Méditerranée, mais, des deux côtés, on le chiffre à plusieurs milliers de victimes, 45 000 selon les manuels d’histoire algériens. De toutes les atrocités commises durant les 132 années de présence française, les événements de Sétif et de Guelma (la répression a en réalité touché toutes les villes du pays où il y a eu des manifestations populaires) symbolisent, aux yeux de l’opinion, le summum de la barbarie coloniale. Voilà pourquoi le mois de mai est une période délicate dans les relations algéro-françaises. Mais il l’est encore davantage depuis cinq ans.

Le 8 mai 2004, à l’occasion du 49e anniversaire des événements de Sétif, le président Abdelaziz Bouteflika exige, pour la première fois depuis l’indépendance, des excuses officielles de l’ancienne puissance coloniale. Dix mois plus tard, la réponse de la France fuse sous la forme de l’adoption, le 23 février 2005, d’une loi soulignant « le rôle positif de la présence française outre-mer ». Les Algériens sont furieux. Le FLN, parti au pouvoir, s’élève contre « cette loi qui consacre une vision rétrograde de l’Histoire et condamne […] cette volonté de justification de la barbarie du fait colonial ». Du coup, Bouteflika, l’année suivante (8 mai 2006), évoque « le génocide colonial ». Plus question de signer le traité de paix évoqué avec son homologue français Jacques Chirac. Désormais, les questions de mémoire empoisonnent les relations entre Paris et Alger.

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Si, sur le plan économique, cette affaire a très peu d’impact (la France demeure le premier fournisseur de l’Algérie et son quatrième « client »), sur le plan politique, la méfiance à l’égard de l’ancienne puissance coloniale fait l’unanimité. L’Alliance présidentielle, composée des deux grands partis nationalistes (le FLN d’Abdelaziz Belkhadem et le RND du Premier ministre Ahmed Ouyahia) et de la première formation islamiste (le MSP, de Bouguerra Soltani), fait de la repentance de la France une condition nécessaire pour « une saine refondation des relations bilatérales ». Nicolas Sarkozy, successeur de Chirac, ne veut pas en entendre parler. Lors d’un séjour à Alger, il affirme que « la repentance est une notion religieuse qui n’a pas sa place dans les relations d’État à État ». Mais Alger n’en démord pas.

A l’unisson

En ce mois de mai 2009, hommes politiques (Abdelaziz Ziari, président de l’Assemblée, Mohamed Cherif Abbas, ministre des Moudjahidine), universitaires et quidams crient à l’unisson : « Repentance de la France pour les crimes commis entre 1830 et 1962, reconnaissance du génocide, du statut de victimes, et indemnisation. » Mais, contrairement aux années précédentes, Bouteflika se distingue par un discours plutôt « soft ». S’il dénonce « les initiatives visant à laisser aux historiens et aux sociétés civiles le soin de reconstituer cette période de violence et d’atteintes aux droits et à la dignité du peuple algérien [qui] sont loin de contribuer à rétablir la vérité et à rendre justice à l’Algérie », il propose « aux deux peuples de trouver ensemble la voie originale qui permettra de surmonter les traumatismes causés au peuple algérien par l’État colonial français ». Dans la bouche de quelqu’un d’autre, cette manière de dépassionner le débat, surtout en pareille période, pourrait valoir une fatwa. Fort de sa récente victoire électorale, Bouteflika était sans doute le seul Algérien à pouvoir se le permettre. 

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