Le mystère Biya
On éprouve toujours de la curiosité à l’égard des hommes de pouvoir. Manifestement fasciné par la personnalité du président camerounais, Paul Biya, le journaliste français François Mattei s’est attelé à une tentative de portrait du « plus secret des chefs d’État » africains actuels.
Dans une biographie parue le 15 mai aux éditions Balland, l’ancien directeur de la rédaction de France Soir tente de percer la personnalité d’un homme dont le parcours ne tient qu’en quatre lignes dans le Larousse…
Dans un style sobre et avec un parti pris favorable honnêtement assumé, l’auteur déroule, en 364 pages, « le roman de la vraie vie de Paul Biya », lequel, admet-il, « ne rencontre pas ses biographes ». Puisant aux meilleures sources de l’entourage présidentiel, le récit, qui fourmille de témoignages et d’anecdotes, s’est enrichi, selon l’auteur, grâce à un questionnaire auquel l’intéressé a consenti à répondre par écrit.
Dépeint par un journaliste occidental (qui fut, signalons-le, un collaborateur de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, proche de Jean-Marie Le Pen), Paul Biya apparaît sous un visage nouveau à ses compatriotes : un dirigeant « cérébral, méditatif », féru de classiques grecs et se revendiquant de l’influence de Victor Hugo. Un mélomane, aussi, dont la passion pour les compositeurs allemands, Beethoven en particulier, l’a poussé, un soir, à la surprise de son auditoire, à jouer du piano lors d’une visite du chanteur Stevie Wonder au palais présidentiel.
On le dit absent ? Mattei répond que « sans doute Paul Biya conçoit la politique comme jadis [le navigateur] Éric Tabarly la course au large : silence radio pour endormir l’adversaire et surgir du brouillard en tête, là où on ne l’attend pas, alors même qu’on le croyait perdu ». « Par paresse, par ignorance, par intérêt ou par habitude », ses amis ou ses ennemis le sous-estiment et « finissent par oublier le vrai Biya pour ne considérer que la créature fantasmatique qu’ils se sont fabriquée à partir de sentiments personnels qu’il leur inspire », conclut le journaliste.
Méfiant à l’égard de la presse, « il n’est pas pour peu de chose dans l’appréciation mitigée de ses mérites et de ses œuvres ». Évitant les projecteurs, il est devenu « un être imprévisible et mystérieux, une sorte d’Howard Hughes de la politique. Un homme sans visage. Une abstraction. »
Ce livre qui, assure l’auteur, n’est pas de commande, est beaucoup moins tendre à l’égard de l’ancien président Ahmadou Ahidjo, dont les « amis ont vidé les caisses des entreprises publiques en toute impunité », savonnant la planche à son successeur.
Dans un pays où le culte du secret fait obstacle à la production littéraire, tout rayon de lumière, aussi mince soit-il, mérite qu’on s’y intéresse…
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