Nivaash Singh : « Les superprofits sont menacés, mais pas la viabilité des projets »

Les cours des métaux ne se portent pas bien. Les miniers opérant sur le continent doivent-ils pour autant s’inquiéter ? Jeune Afrique a posé la question à un financier sud-africain spécialiste du secteur.

Selon cet expert, « la maîtrise des coûts est la clé de toute réussite ». © Nedbank

Selon cet expert, « la maîtrise des coûts est la clé de toute réussite ». © Nedbank

Publié le 1 mai 2013 Lecture : 4 minutes.

Lundi 15 avril, le prix de l’or a essuyé sa plus grande chute en deux jours depuis 1983, tombant sous les 1 350 dollars l’once, soit près de 9 % de baisse en quelques heures. Dans le même temps, le cours des métaux de base comme le cuivre, le chrome ou le nickel sont également en berne. Cet épisode annonce-t-il une nouvelle ère pour l’industrie minière africaine ? Réponses de Nivaash Singh, spécialiste du financement de projets miniers au sein de Nedbank, l’une des plus grandes banques sud-africaines. 

Propos recueillis par Nicolas Teisserenc

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Jeune Afrique : La chute des cours en début de semaine dernière permet-elle de distinguer une tendance générale ?

Nivaash Singh : S’il y a bien une matière première pour laquelle il est difficile de faire des prévisions, c’est l’or ! La décision de Chypre de céder 400 millions d’euros de réserves représente la plus grosse vente en quatre ans. La dernière remontait à 2009, lorsque la France a revendu 17,4 tonnes de ses réserves ; à l’époque, la mesure avait eu un effet seulement temporaire sur les cours. Deux questions sont sur toutes les lèvres : est-ce que ce sera, cette fois encore, temporaire ? Ou bien est-ce que les autres nations européennes comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal, qui disposent de réserves encore plus grandes, vont lui emboîter le pas ? L’autre facteur concerne la politique monétaire accommodante pratiquée par la FED [Réserve fédérale des États-Unis, NDLR]. La période de création monétaire à laquelle nous venons d’assister touche à sa fin. Le prix de l’or, considéré comme valeur refuge, était jusqu’alors porté par le risque d’inflation lié à cette politique hétérodoxe de la FED.

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Mais les nouvelles venues de Chine ont eu des répercussions négatives sur le cours des autres métaux…

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La situation économique en Chine influence diversement les cours des métaux. À 7,7 %, la croissance chinoise du premier trimestre a déçu les attentes des investisseurs, car si la Chine ralentit, la demande pour les métaux de base comme le cuivre, le nickel ou le chrome va inévitablement s’orienter à la baisse. Mais comme, dans le même temps, la situation économique chinoise crée de l’incertitude, cela aurait plutôt tendance à favoriser la hausse du cours de l’or.

Y a-t-il une corrélation entre les prix de l’or et du pétrole ?

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Le prix du pétrole suit généralement la même direction que celui de l’or. Une corrélation qui peut s’expliquer par le taux d’intérêt américain. S’il est faible, le dollar s’affaiblit. Quand le dollar est faible, l’or est meilleur marché, ce qui porte la demande et entraîne mécaniquement une hausse de son cours. La même logique s’applique au pétrole. 

Quelles sont les conséquences d’une telle baisse pour les entreprises aurifères actives en Afrique ?

Il faut distinguer les différents producteurs d’or. Le premier groupe, composé d’entreprises comme Newmont, Barrick, Goldcorp, AngloGold Ashanti ou encore Gold Fields, arrive à maintenir des coûts de production inférieurs à 800 dollars l’once. Pour eux, pas de problème. Viennent ensuite les producteurs dont les coûts oscillent autour de 1 000 dollars l’once et qui sont concernés en premier lieu par la faiblesse des cours. Il s’agit par exemple de Harmony, Sibanye Gold, DRD Gold ou encore Dundee. Ensuite, il y a les projets qui ne sont pas encore en phase d’exploitation. Ceux-là seraient en danger si la baisse des cours se confirmait. Non pas à cause d’un éventuel coût élevé, mais parce que les entreprises ne seraient pas en mesure de lever des capitaux, le prix de l’action étant fortement corrélé au cours de l’or. Tant qu’on se situe à un niveau supérieur à environ 1 500 dollars l’once, il n’y aura pas de superprofits, mais la viabilité des projets ne sera pas remise en cause. L’idéal serait un prix situé dans une fourchette entre 1 650 et 1 750 dollars l’once.

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Quels pays sont concernés en premier lieu ?

Les pays producteurs d’or se situent majoritairement dans les ceintures de l’or ashantie [Ghana, Burkina Faso, Mali, Côte d’Ivoire et Sénégal] et arabo-nubienne [Soudan, Soudan du Sud, Somalie, Ouganda, Éthiopie, Kenya et Tanzanie]. Il faudrait mener une évaluation projet par projet pour savoir lesquels sont le plus en danger, mais je ne crois pas que l’un ou l’autre de ces pays doive s’inquiéter dans le cas d’une baisse prolongée des cours.

Quels sont les meilleurs moyens de minimiser les risques ?

La maîtrise des coûts est la clé de la réussite de toute mine. Les directeurs de sites doivent être austères dans leurs dépenses d’investissement, dans la gestion des coûts salariaux et des coûts d’exploitation en général, tout en maintenant une grande flexibilité opérationnelle. Il n’y a pas grand-chose de plus à faire ! Et si les investisseurs n’aiment pas se couvrir contre les risques associés à la baisse du cours des métaux, l’utilité d’atténuer le risque de prix des métaux dans un marché baissier a déjà été prouvée par le passé…

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