L’explication est politique

Publié le 19 mai 2009 Lecture : 5 minutes.

Cette semaine encore, c’est de « la crise économique mondiale » qu’il s’impose à moi de vous entretenir : le mal évolue, les patients reprennent des couleurs et les médecins qui s’affairent à leur chevet tiennent un nouveau langage.

Est-ce le début de la fin de la crise ou seulement la fin du début ? De crainte d’être une fois de plus démentis par la suite des événements, les économistes ne se prononcent pas.

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Mais les dirigeants des grandes Banques centrales, des banques continentales de développement – pour l’Afrique, le président de la BAD, Donald Kaberuka –, les ministres des Finances des grands pays, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et le président de la Banque mondiale, eux, sont catégoriques : tous nous assurent que nous avons cessé de nous enfoncer dans la crise :

« Une lente remontée s’amorce mais certains, on ne sait pas encore lesquels, l’accompliront plus vite que d’autres.

Prix des matières premières agricoles et minières, dont le pétrole, de nouveau à la hausse, bonne tenue des marchés boursiers, retour progressif des banques à l’exercice du crédit… Autant d’indications qui annoncent que les pays vont sortir de la récession, l’un après l’autre, chacun à son rythme… »

Dans ce discours, il y a bien évidemment une part d’optimisme de commande : le médecin vous dit que vous avez meilleure mine pour agir sur votre moral et faire en sorte que le moral retrouvé soit un facteur de cette guérison, dont il a décelé les premiers signes.

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Mais un bon médecin ne fait appel au moral qu’après avoir pris soin du corps et conclu qu’il « tient le coup ».

Je pense, pour ma part, que les médecins qui se sont trouvés au chevet de l’économie mondiale en crise se sont révélés compétents ; ils ont un peu tâtonné, certes, mais ils ont fait le bon diagnostic et administré au malade les bons remèdes.

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Lorsqu’ils affirment que le pire est derrière nous et qu’ils voient le bout du tunnel, je les crois.

Mais de même qu’elle s’est déclarée il y a plus de deux ans et ne s’est installée que graduellement, la crise ne s’estompera que progressivement : elle mettra autant de temps à nous quitter qu’il lui en a fallu pour étendre son manteau sur les cinq continents.

Puisque nous sommes, selon toute vraisemblance, hors de danger et sur la voie de la sortie de crise, c’est le moment de chercher à comprendre : comment nous sommes-nous englués dans ce pétrin sans que personne n’ait sonné l’alarme ?

Le président du Brésil, Luiz Inãcio Lula da Silva, encore lui, a eu la franchise, que dis-je, l’audace, de déclarer : « Des hommes blancs aux yeux bleus sont les responsables directs de cette crise et d’ailleurs d’autres hommes blancs aux yeux bleus ont doté le monde entier d’un système financier dont l’architecture interne l’expose au “crash” : il a tendance à se désintégrer périodiquement. »

C’est là une vérité, produit d’une histoire séculaire.

Mais pourquoi le système a-t-il implosé en 2007 ? La folle imprudence des banques américaines, qui ont distribué des milliers de milliards de dollars en crédits immobiliers à des gens incapables de les rembourser et sur la base de la théorie – qu’ils savaient fausse – que le prix de l’immobilier ne pouvait que monter, suffit-elle à expliquer une crise qui atteint tous les secteurs et affecte tous les continents ?

Beaucoup en doutent : une étincelle n’allume plusieurs grands incendies que si elle est relayée par d’autres et si, un peu partout, abondent les matières inflammables…

Pour comprendre ce qui s’est réellement passé, il faut quitter le domaine de la finance et de l’économie pour retrouver la politique. Et la très grave responsabilité d’autres hommes blancs aux yeux bleus que ceux désignés par le président Luiz Inácio Lula da Silva.

Souvenez-vous des derniers mois de George W. Bush à la Maison Blanche. À la guerre d’Irak, qui avait déjà privé le monde d’une partie du pétrole de ce pays, s’étaient ajoutées les menaces répétées contre l’Iran. On parlait de bombarder ses installations nucléaires et même de l’envahir : « Toutes les options sont sur la table », répétait inconsidérément le président américain d’alors.

Le prix du pétrole s’est alors mis à grimper en flèche pour approcher 150 dollars le baril : « Il n’y a pas d’explication unique à l’étonnante et persistante flambée du pétrole, qui a récemment dépassé la barre des 140 dollars le baril. Mais les spéculateurs et les utilisateurs réels parient sur une intervention américano-israélienne contre l’Iran dans un proche avenir, et pensent logiquement qu’elle fera s’envoler les cours du pétrole.

Les spéculateurs et d’autres peuvent partir de l’hypothèse que Washington et son allié israélien procéderont à une “élimination” des installations nucléaires iraniennes, parce que c’est exactement ce que Bush et ses alliés laissent entendre qu’il se produira. »

L’auteur de ces lignes ? Jorge Castañeda, ancien ministre des Affaires étrangères d’un grand pays pétrolier, le Mexique, en juillet 2008.

Les chiffres sont éloquents, implacables. Ils conduisent beaucoup d’observateurs, dont je suis, à conclure que la crise économique que nous subissons aurait pu être évitée, n’aurait en tout cas pas eu l’ampleur et la gravité qu’elle a eues sans l’extraordinaire flambée du prix du pétrole en 2008.

La montée rapide du prix du baril, à partir de 2007, et les sommets qu’il a atteints à la mi-2008 ont précipité les États-Unis, puis les autres pays importateurs, dans la récession.

En 2008, le cours du baril, en moyenne annuelle, a été de 100 dollars pour une consommation de 88 millions de barils/jour. Prix total : 3 200 milliards de dollars.

Le cours a commencé à baisser à la perspective du prochain départ de George W. Bush et lorsqu’on a su, avec l’élection de Barack Obama, que le bombardement de l’Iran par les États-Unis ou Israël n’était plus dans le domaine du réalisable (voir graphique).

En 2009, le prix moyen du baril devrait se situer à 50 dollars, peut-être un peu plus. La consommation a un peu diminué, et même si elle devait se situer au niveau de 2008, le prix payé serait ramené à 1 600 milliards de dollars, la moitié de celui de 2008.

En consacrant 2,7 % de leur produit intérieur brut aux plans de relance de leurs économies, les pays du G20 n’auront investi, en 2009, que 1 200 milliards de dollars, c’est-à-dire 75 % seulement de l’économie réalisée sur le pétrole consommé.

C’est donc la baisse du prix du pétrole – concomitante du départ de George W. Bush et de l’arrivée de Barack Obama – qui nous permet de sortir de la crise et nous fournit, pour 2009, le financement de la cure.

CQFD.

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