Livres : du rire aux armes

C’est un roman jubilatoire que signe Venance Konan. Après Robert et les Catapila (NEI), un recueil de nouvelles qui s’était vendu à 8 000 exemplaires en Côte d’Ivoire, en 2005, le journaliste ivoirien revient avec Les Catapilas, ces ingrats. Un roman caustique dans lequel il retrace l’histoire récente de son pays à travers les tribulations de Robert, la cinquantaine, « président des jeunes » d’un village que l’on devine dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Mama, le village de Laurent Gbagbo ? Peut-être… « En tout cas, si ce n’est pas là, c’est dans le même coin », s’amuse l’auteur.

Comme la plupart des autochtones, Robert a vendu sa forêt à un Catapila, « des gens venus d’un autre pays qu’eux-mêmes décrivaient comme très sec ». Ces étrangers défrichent la forêt avec autant d’efficacité que les engins de chantier de la marque Caterpillar. Il n’en fallait pas plus pour les baptiser de la sorte.

Dans sa région, explique Robert, on était « avec le parti au pouvoir le jour et dans l’opposition la nuit ». Mais les temps changent. Un coup d’État ­éclate. S’ensuivent des élections, puis une guerre et peut-être encore des élections. Robert essaye de préserver l’essentiel : avoir de quoi payer quelques verres à ses amis et rester « l’homme fort » du village, le flambeur tombeur de femmes, beau et bon danseur. Et, surtout, « celui dont le grand-père a tué un chimpanzé d’un seul coup de poing ». 

Humour grinçant

Usant d’un humour grinçant, jamais méchant, et faisant montre de finesse, Venance Konan parvient à dévoiler à quel point la vie du village est polluée par la politique, que ce soit à l’occasion des rencontres de foot, des funérailles ou de l’approvisionnement du bar en bières fraîches. Avec une fausse naïveté et l’air de ne pas y toucher, ce roman verse dans le pamphlet politique. Et n’est pas sans rappeler En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma ou Les Petits Garçons naissent aussi des étoiles d’Emmanuel Dongala.