Il faut développer les marchés financiers locaux

Économiste en chef pour l’Afrique, Banque mondiale

Publié le 19 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

« Nous aimerions avoir à gérer vos problèmes », avait fait remarquer le Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi, dans une intervention devenue célèbre devant un groupe de représentants d’Asie du Sud-Est, au milieu des années 1990. À l’époque, les pays africains étaient peu intégrés à l’économie mondiale et subissaient des périodes de baisse de revenu et d’augmentation de la pauvreté qui duraient plusieurs années. Ils étaient alors peu touchés par les crises économiques internationales.

La situation à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés est bien différente. Pendant près d’une dizaine d’années, l’Afrique a enregistré une croissance économique soutenue. L’arrivée de capitaux privés s’est accélérée, plus rapidement que dans n’importe quelle autre région du monde. Les envois de fonds ont augmenté également. Le taux de pauvreté a baissé, les inscriptions dans les écoles primaires sont en hausse et certains signes montrent que le taux de prévalence du sida a commencé à décroître.

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Ces progrès peuvent notamment s’expliquer par l’amélioration des politiques économiques, fiscales et monétaires mises en place. Bien qu’elles n’aient pas été faciles à mettre en œuvre, ces réformes commençaient à porter leurs fruits, préparant le terrain pour d’autres. La rupture de ce cercle vertueux constitue peut-être le danger le plus grave de la situation actuelle.

En outre, les outils permettant d’éviter un ralentissement de la croissance n’existent peut-être pas. Les flux de capitaux privés ralentissent ou s’inversent pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les politiques économiques de l’Afrique. Les envois de fonds sont en baisse parce qu’ils proviennent majoritairement des États-Unis et d’Europe. Et bien que la plupart des donateurs se soient engagés à accorder les aides promises, le total est déjà inférieur d’environ 20 milliards de dollars par rapport aux engagements pris pour 2010 à Gleneagles, à une époque où les économies des donateurs connaissaient la croissance.

Une crise nouvelle exige des solutions neuves. Il nous est possible de protéger l’Afrique contre les pires effets de cette crise en établissant un accord tripartite entre les gouvernements africains, les institutions financières internationales et les donateurs bilatéraux. Conformément à ce qu’ils ont déclaré ces six derniers mois, les gouvernements africains devraient réitérer leur engagement à maintenir et à amplifier leurs réformes afin de consolider leurs économies.

En fait, la crise donne aux décideurs africains trois occasions uniques : celle de réaffirmer leur attachement à un renforcement du contrôle politique, celle de mettre en œuvre leurs engagements et, enfin, celle de développer les marchés financiers locaux. Ceux-ci permettront aux investisseurs institutionnels de montrer l’exemple en tant que preneurs de risques responsables.

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Reconnaissant qu’il sera difficile de maintenir les réformes en cette période, la Banque mondiale s’est engagée à soutenir les pays à faible revenu par l’intermédiaire de ses dispositifs d’aide d’urgence. D’autres institutions financières, notamment la Banque africaine de développement et le Fonds monétaire international, ont réagi de la même façon. Mais dans les pays à faible revenu, la Banque mondiale est limitée par le montant total de ses ressources, qui sont engagées pour une période de quatre ans (2008-2011). Nous faisons tout notre possible pour qu’elles soient disponibles plus tôt, avec un minimum d’obstacles bureaucratiques.

Encore faut-il que l’ensemble des donateurs respectent, au minimum, les engagements qu’ils ont tout d’abord pris à Gleneagles, puis réaffirmés au cours des derniers mois, afin que l’aide promise à l’Afrique augmente. La crise est exceptionnelle, elle exige donc la mise en place d’une collaboration internationale sans précédent. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que l’Afrique, au lieu d’être gravement touchée, soit capable de rester sur les rails d’une croissance économique soutenue permettant de réduire la pauvreté.

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