Tripoli, l’enfer des clandestins

International Herald Tribune Quotidien, Paris

Publié le 19 mai 2009 Lecture : 2 minutes.

« Père de toute l’Afrique », comme il aime à se présenter, le colonel Kadhafi a assoupli la législation en matière d’immigration et toléré une certaine porosité des frontières sud de la Libye. Peuplé de 5,5 millions d’habitants, le pays abrite désormais pas moins de 2 millions de clandestins, attirés par les perspectives d’emplois à foison et d’un accueil chaleureux. Mais de travail, il n’y en a jamais eu, ou presque, et la plupart d’entre eux se sont retrouvés piégés et condamnés à vivre dans des conditions déplorables.

« Ils sont un fardeau, se plaint Ali Abdelaziz el-Isawi, ancien ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Investissement. Ils pèsent sur le système de santé, diffusent des maladies et font augmenter la criminalité. Ils sont dans l’illégalité. » « Nous ne les aimons pas, ajoute Mustapha Saleh, un jeune Tripolitain de 28 ans. Ils sont arrivés clandestinement et se comportent mal avec nous. » À ces mots, ses trois amis l’applaudissent et se répandent en insultes contre les Subsahariens.

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Souvent dangereuse et difficile, la vie des migrants en Libye les conduit à l’impasse. « Les Libyens nous appellent “les animaux” ou “les esclaves” », témoigne Paul Oknonghou, un Nigérian de 28 ans, qui vit avec une douzaine de ses compatriotes dans une maison en chantier, sans vitre aux fenêtres, ni eau courante, ni salle de bains, ni cuisine. « Un jour, peut-être, nous quitterons cet endroit pour vivre dans une maison décente », espère-t-il. Aujourd’hui, ils s’estiment heureux de ne pas dormir dans la rue.

Les migrants comme Oknonghou vivent tous à Tripoli. Dans l’attente d’un travail à la journée, ils font la queue autour des ronds-points et dans les principales artères de la ville. S’ils ont une compétence, ils s’assoient devant leurs outils de travail – marteaux, pioches, tuyaux. Et quand des voitures s’arrêtent, ils se précipitent dans l’espoir d’être choisis et de gagner entre 5 et 10 dollars la journée. Ils appellent ces endroits des « lieux de prostitution ».

Il y a un an, Thomas Thtakore, un Ghanéen de 26 ans, est entré illégalement en Libye après un voyage de trois mois à travers les montagnes et le désert, au cours duquel son plus jeune frère est mort. « Je n’ai pas d’argent, dit-il. Je ne reçois aucune aide. Je dors sous un pont. Si je reste ici, je vais mourir. » Thtakore est sur le point d’être rapatrié au Ghana par l’Organisation internationale pour les migrations (OMI), une ONG qui aide les migrants à retourner chez eux. Michele Bombassei, du bureau de l’OMI à Tripoli, affirme que tous les migrants qu’il a rencontrés depuis 2006 livrent le même témoignage. « S’ils trouvent un emploi, ça peut aller ; s’ils n’en trouvent pas, ça devient vite un cauchemar. » Or, selon lui, peu d’immigrés se trouvent dans le premier cas…

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