La guerre des mots

Les médias algériens accusent les autorités de Bamako de laxisme – voire de complaisance – à l’égard des salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique.

Publié le 18 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

À lire la presse des deux pays, les relations entre Alger et Bamako seraient exécrables. Les journalistes maliens ont la conviction que le gouvernement algérien, médiateur dans le conflit au Nord Mali, a toujours entretenu des rapports ambigus avec la rébellion touarègue. Pour leurs confrères algériens, les autorités maliennes font preuve de laxisme à l’égard des salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). De part et d’autre, les officiels se murent dans le silence et parfois démentent mollement les propos de leurs journalistes, mais les malentendus existent bel et bien. Cette crispation entre deux pays voisins partageant 1 200 kilomètres de frontière et un long passé de combat commun contre le colonialisme a débuté en 2003.

Cette année-là, une trentaine de touristes occidentaux sont kidnappés par un groupe de terroristes. L’armée algérienne réussit à en libérer quatorze, le reste est emmené vers le Nord Mali, où le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, rebaptisé AQMI) disposerait d’appuis dans la population locale, notamment chez les Barabiches. Quelques mois plus tard, les otages sont libérés. Les Algériens sont furieux. Une rançon de 5 millions d’euros aurait été versée aux ravisseurs. Elle servira à l’acquisition d’armes au profit des maquis salafistes en Algérie. Ni le président Abdelaziz Bouteflika – « le plus Malien des Algériens », dixit son homologue Amadou Toumani Touré (ATT) – ni son gouvernement ne protestent officiellement. Mais la coopération entre les deux capitales est gelée.

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Le 23 mai 2006, deux attaques contre des unités de l’armée malienne, à Kidal et à Ménaka, donnent naissance à la troisième rébellion touarègue malienne (après celles de 1963 et de 1990). L’Algérie est sollicitée par les deux belligérants pour une médiation. Elle s’empresse d’accepter. Pourquoi ? « Les questions liées aux Touaregs sont une affaire de sécurité intérieure », répond sans détour un diplomate algérien. Des accords de paix sont signés à Alger le 4 juillet 2006, mais les tergiversations de la rébellion en retardent la mise en œuvre. Un hebdomadaire malien, L’Aube, réputé – à tort – proche de la présidence, publie en février 2008 un brûlot à l’endroit de Bouteflika et son armée, citant le général Mohamed Mediene alias Toufik, patron des services de sécurité algérien, comme parrain du rebelle Ibrahim Ag Bahanga. C’est ainsi qu’est déclarée la guerre des mots entre les deux pays. Les Algériens dénoncent l’ingratitude malienne et gèlent leur médiation. Le conflit reprend de plus belle, et Bahanga multiplie les coups contre l’armée malienne.

Le scénario d’otages kidnappés ailleurs et libérés au Mali devient une sorte de tradition. Dernier en date, celui de deux fonctionnaires de l’ONU enlevés en décembre 2008 au Niger, suivi de celui de quatre touristes. Le 22 avril 2009, une partie des otages est libérée puis reçue à Koulouba le lendemain. Cette fois-ci, la contrepartie comprend, selon un journal canadien, outre une rançon de 10 millions d’euros, la libération de deux salafistes détenus dans la prison malienne de Gao. AQMI confirme dans un communiqué la libération de ses deux « moudjahidine ». Parmi les élargis : Oussama el-Merdaci, un Algérien vétéran d’Afghanistan recherché par la justice algérienne. « Nous n’avons jamais été autorisés à l’entendre durant sa détention », déplore un diplomate algérien en poste à Bamako.

Pour faire taire les critiques venant d’Alger, ATT accorde une interview à El Watan, quotidien indépendant algérien. Il réaffirme que le Mali n’a jamais accepté de servir de « passeur d’argent » au profit des terroristes et réfute les accusations de laxisme. Il est vrai qu’une armée de 10 000 hommes, sous-équipés, ne peut réussir là où les 160 000 mili­taires algériens ont échoué depuis près de vingt ans. Mais, à Alger, l’argument ne porte pas. Le quotidien algérois Liberté répond aux « allégations du président ATT » en affirmant que le Mali protège le GSPC. Réplique dans le quotidien de Bamako, L’Indépendant : « Bouteflika est un génocidaire. » Où s’arrêtera la guerre des mots ?

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