Le retour de Raspoutine

La nouvelle incursion, depuis le 3 mai, des rebelles tchadiens dans l’est du Tchad a été préparée avec méthode. Ces six derniers mois, le régime soudanais a minutieusement préparé cette troisième tentative de renversement d’Idriss Déby Itno. Il a d’abord enfermé les rebelles dans un hôtel de Khartoum jusqu’à ce qu’ils cessent de se quereller.

Publié le 14 mai 2009 Lecture : 2 minutes.

 Résultat : une nouvelle alliance, l’UFR (Union des forces de la résistance) et, surtout, un nouveau chef, Timane Erdimi. Le « Raspoutine du palais » est zaghawa, comme le président tchadien. C’est l’ennemi intime, capable de retourner des officiers supérieurs à N’Djamena. Khartoum a ensuite renforcé les colonnes rebelles en moyens antiaériens (missiles Sam-7, canons de 37 mm) et antichars (missiles B-10, bazookas SPG montés sur véhicule). Enfin, le Soudan a équipé l’état-major rebelle de nouvelles radios VHF de fabrication chinoise que les grandes oreilles américaines et françaises ont beaucoup de mal à localiser et à écouter. Fini les téléphones satellitaires qui trahissaient les conversations entre les rebelles et le général Salah Gosh, le chef des services soudanais.

En février 2008, Idriss Déby Itno avait utilisé la tactique de « l’aspirateur ». C’est-à-dire attirer les rebelles le plus loin possible de leurs bases. Le problème, c’est que la panique s’était emparée des habitants de la capitale, qui avaient fui au Cameroun par centaines de milliers. Aujourd’hui, il est politiquement risqué de faire revivre aux N’Djaménais un traumatisme d’une telle ampleur. Surtout, à mesure que les rebelles s’étaient approchés de N’Djamena, le moral des troupes s’était effondré et les défections s’étaient multipliées. Lors de la bataille de Massaguet, le 1er février 2008, Idriss Déby Itno avait été encerclé par les rebelles à la suite d’une trahison dans sa garde. Cette fois-ci, il a donc décidé de porter le fer à plus de 500 km à l’est de la capitale. Le 7 mai, la bataille a commencé à Am-Dam, au sud d’Abéché. Pour arrêter cette troisième grande offensive rebelle en trois ans (avril 2006, février 2008, mai 2009), l’armée tchadienne a considérablement renforcé sa puissance de feu. Avec ses avions-bombardiers Sukhoi et ses hélicoptères MI-8 pilotés par des Ukrainiens, elle a réussi à frapper plusieurs colonnes de l’UFR et à disperser l’un de ses convois de ravitaillement. Avec ses lance-roquettes BM-21 (type orgues de Staline) d’une portée de 15 km, elle a aussi pilonné les positions rebelles autour d’Am-Dam avant de lancer sa « cavalerie légère », les tout-terrain équipés de canons et de mitrailleuses lourdes.

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Mais au Tchad, la supériorité matérielle ne suffit pas. En 1990, le rebelle Déby Itno avait chassé Hissein Habré du pouvoir parce que personne ne voulait plus se battre pour ce dernier. Aujourd’hui, le président Déby Itno fait le pari qu’il est assez fort pour fêter l’an prochain son vingtième anniversaire à la tête du Tchad.

À N’Djamena, en ce mois de mai, la température oscille entre 46 et 50 degrés. Pas le moindre souffle de vent sauf, de temps à autre, de violentes tempêtes de sable ou quelques gouttes de pluie. Les habitants de la capitale, habitués à la canicule, vaquent à leurs occupations, mais lorsque les langues se délient, ils ne cachent pas leur colère face à ce qu’ils considèrent comme une répétition de l’Histoire. Les plus jeunes se plaignent de n’avoir connu que la guerre, à l’instar de leurs parents. « Pour la première fois depuis l’indépendance, N’Djamena est en train de se reconstruire. Si les combats reprennent ici, tout sera encore une fois à recommencer. »

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