Courrier des lecteurs

Publié le 29 avril 2009 Lecture : 7 minutes.

J.A., trop arabe ?

– J’aimerais signaler un problème récurrent. Bien qu’ayant le mot « Afrique » dans son nom, J.A. traite des problèmes du monde arabe, qui n’ont rien à voir avec ceux du continent africain. L’actualité liée au monde arabe est traitée en priorité. Je trouve cela inacceptable pour un journal qui se veut le reflet du continent africain. Le monde arabo-musulman serait-il plus attrayant que l’Afrique ? Le continent ne mérite-t-il pas beaucoup plus de respect de la part de ceux qui se réclament de son nom ? J.A. doit arrêter de faire croire aux Africains qu’il est des leurs, alors qu’il ne représente que le monde arabe et le Maghreb.

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Bouna Condé, par courriel

Réponse  : Votre jugement et votre argumentation ne sont pas nouveaux. Savez-vous que certains de nos lecteurs maghrébins nous reprochent parfois… l’inverse ? En réalité, tout cela ne résiste pas à l’examen. Il suffit d’ouvrir n’importe quel numéro de J.A. pour s’apercevoir que le sud et le nord du Sahara y font l’objet de la même attention et de la même couverture. Ce qui pose problème, par contre, c’est la fâcheuse impression que l’on a, en vous lisant, que les pays du Maghreb ne font pas partie du continent africain !

François Soudan

Peine de mort en RD Congo

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– J’ai été agréablement surpris par l’arrestation de Laurent Nkunda et je souhaite qu’il soit jugé pour ses méfaits. Mais je suis cependant inquiet sur son sort et sur celui de beaucoup d’autres prisonniers. La peine de mort existe encore en RD Congo. Or à quel titre un être humain, seul ou en groupe, peut-il s’octroyer le droit de vie ou de mort sur un autre être humain, quels que soient les actes de ce dernier ? J’ai, en outre, la conviction que la peine de mort vise autant sinon plus les familles du condamné que le condamné lui-même. Du temps de Mobutu, j’ai vu des membres de familles de personnes exécutées. Leur douleur était insupportable et je ne peux pas l’oublier.

Enfin, j’ajouterai que, depuis le siècle dernier, l’abolition de la peine de mort est perçue comme un signe majeur de l’évolution d’un peuple ou d’une nation vers une plus grande humanité. Car l’abolition signifie la prise de conscience que la vie humaine est le bien le plus précieux de l’homme. Un bien primant sur toute autre considération.

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Dominique Ndudi Ndudi, Poitiers, France

Amis américains

– Le 20 janvier 2009, jour de l’investiture de Barack Obama, m’a fait revivre un parfum de métissage culturel d’il y a quarante ans. Les revues de ma mère, Jacqueline, et de mon père, Christophe, s’appelaient Bohemia, Carteles, Femmes d’aujourd’hui, Ebony, etc. Je n’ai donc pas eu de problème à saisir la signification protocolaire des robes de Michèle Obama… Autre souvenir : il y a environ vingt ans, j’envoyais mon premier article à Béchir Ben Yahmed, directeur et fondateur de Jeune Afrique. Mais pour en revenir à l’investiture, j’ai bien assisté à toute la cérémonie, ce 20 janvier. De la prestation de serment jusqu’aux bals. J’ai bien entendu, relu et compris le discours du président Obama, dont j’affectionne particulièrement cette phrase : « Sachez que l’Amérique est l’amie de chaque pays et de chaque homme. » De cette Amérique qui nous a permis d’aimer avec la même intensité Tom Hanks, Denzel Washington, Jamie Fox, Robert de Niro et Elizabeth Alexander, nous avons beaucoup, beaucoup à apprendre.

Gilbert Mervilus, Port-au-Prince, Haïti

L’Europe et le modèle belge

– C’est avec un grand intérêt que j’ai lu la brève interview donnée par José-Alain Fralon, essayiste français et analyste de longue date de la réalité belge (J.A. n° 2517). Étant moi-même citoyen belge, élevé à la fois dans la culture flamande et la culture francophone, je suis, dans ma vie et mon travail, en rapport constant avec des personnes et des organisations issues des deux communautés linguistiques. Et, contrairement à ce que laisse entendre M. Fralon, je constate que la volonté d’indépendance flamande n’existe que chez une minorité (10 % à 15 % de l’opinion selon les sondages), même si cette dernière est relayée par un groupe de politiciens très bruyants…

D’un point de vue très pragmatique (propre à la culture flamande), le coût d’une séparation serait d’ailleurs exorbitant, en premier lieu pour la Flandre elle-même, dont le premier partenaire commercial demeure la Wallonie. Autre point : la Flandre n’acceptera jamais d’être amputée de la région de Bruxelles, la plus dynamique de Belgique. Si je puis me permettre une autre prédiction : la Belgique s’engagera dans une cinquième réforme de ses institutions, qui débouchera sur un nouveau type de fédéralisme. Dans ce cadre, les différentes communautés et régions seront les acteurs principaux, voire exclusifs, du fonctionnement de l’État « central ». Et si cette réforme devait échouer, c’est la construction européenne elle-même qui serait en danger. Car le modèle belge est le seul possible pour l’Europe : une fédération d’États aux cultures très diverses, dont les membres doivent vivre et travailler ensemble dans le respect mutuel de leurs identités.

Christophe Herinckx, Louvain-la-Neuve, Belgique

Kouchner à géométrie variable

– En ce qui concerne l’envolée rhétorique de Bernard Kouchner au sujet de la Tunisie (voir J.A. n° 2515), il s’agit d’une tempête dans un verre d’eau. Le ministre français des Affaires étrangères n’émeut personne et ce qu’il dit n’a d’autre valeur que celle qu’on veut bien lui accorder. Il n’est plus à une contradiction près. Son élan humaniste perd de son éclat à l’épreuve de la réalité. Après un silence assourdissant lors des derniers événements de Gaza – pour ne citer que l’exemple le plus récent –, le ministre français a voulu redorer son blason à peu de frais. Le « droit d’ingérence » présuppose une équité et une éthique sans faille, loin d’une quelconque politique à géométrie variable.

Cet incident étant évacué, la France, étendard des droits humains, est pour nous, Tunisiens, une grande et proche amie, à laquelle nous lient l’Histoire et une communauté de destin, dont le ciment est désormais ce nouvel espace euro-méditerranéen. C’est notre avenir commun, construisons-le, main dans la main. N’est-ce pas Saint-Exupéry qui disait : « S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction » ?

Mansour El Feki, Montréal, Canada

Non-démocraties arabes

– Pourquoi les pays arabes souffrent-ils d’un déficit alarmant de démocratie ? La réponse tient évidemment à des raisons historiques et institutionnelles, mais aussi d’ordre éthique. Car des rives de l’Euphrate à l’Atlantique, quiconque ne justifiant pas d’une descendance nobiliaire, d’une filiation andalouse ou ottomane, ne se référant pas à un passé de moudjahid ou n’étant pas issu d’une coterie religieuse ou politique, a peu de chances de réussir dans son propre pays ! Convaincus d’être dépositaires de valeurs suprêmes, seuls les adeptes de quelques « chapelles » paraissent en mesure d’accéder aux dignités professionnelles et politiques et de se voir ainsi associés à la vie publique… Le népotisme et la discrimination restant la règle, l’émergence de la démocratie dans les pays arabes n’est pas pour demain… Et celle d’un Obama encore moins !

Moha Bounif, Rabat, Maroc

Kenitra, l’omerta

– C’est avec une émotion très particulière que j’ai lu sous la plume de Hamid Barrada la fabuleuse histoire des « hautes études » de Kenitra, digne d’une épopée (voir J.A. n° 2514). C’est bien la preuve que lorsqu’on a des convictions, aucune montagne ne peut être assez haute pour nous barrer le chemin. En quatre ans de vie au Maroc (1995-1999), jamais je n’aurais deviné que, derrière les murs sinistres des prisons, il puisse se trouver des prisonniers d’un tel niveau d’instruction. Pourquoi ? Parce que personne n’en parlait ! Même dans l’intimité d’un salon, avec la garantie que « l’œil de Moscou » ne pouvait y pénétrer, la question de cette prison était tout bonnement tue. On n’en parlait pas. C’était comme toucher à l’un des trois sujets sensibles au Maroc : Allah, la famille royale et la marocanité du Sahara. L’article lève vraiment un pan du voile sur le système Hassan II.

Obambé Gakosso, Gisors, France

Coup de foudre pour J.A.

– Certes, J.A. est reconnu pour la qualité de ses informations, mais ce n’est pas la raison de mon émotion. C’est le fait que cet hebdomadaire a réussi à éveiller en moi le goût de la lecture, ce qui est la clé du savoir et du succès social. Il est difficile de fermer J.A. avant d’en avoir fini la lecture. Je suis de nationalité tchadienne et élève à l’école nationale d’ingénieurs de Bamako. Je n’ai pas assez d’argent pour acheter tous les numéros mais, quand je réussis à convaincre quelques amis, nous nous cotisons pour acheter celui qui vient de sortir. C’est un prestige d’avoir un nouveau numéro de J.A. parce que celui qui s’inspire de ses informations convainc plus facilement les autres dans les discussions. Au Tchad, la guerre pourrait même prendre fin si J.A. arrivait à susciter chez les jeunes Tchadiens un coup de foudre identique au mien.

Adolphe Djasrabaye, Bamako, Mali

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