Kigali, quinze ans après
Quelques mois après avoir soufflé, en 2007, les bougies de son centenaire, Kigali a été sacrée meilleure capitale africaine de l’année 2008 par l’agence onusienne de l’habitat. S’étalant sur plusieurs collines et sur un territoire de près de 400 km2, la capitale rwandaise a connu ces dernières années un développement sans précédent.
Elle a transformé ses bidonvilles en constructions modernes ne faisant pas injure à l’environnement, et bitumé ou pavé tous les axes routiers reliant ses différents quartiers. Mais sa performance la plus remarquable, compte tenu de sa configuration géographique, est la suivante : sur toute son étendue, la ville offre une possibilité de connexion Internet par wifi grâce à un réseau complexe de fibre optique. Autre singularité : Kigali peut aussi se prévaloir d’être la seule capitale du continent à être dirigée par une maire.
Coïncidant avec les célébrations du quinzième anniversaire du génocide, du 7 au 14 avril, mon dernier séjour a été fortement marqué par la pesanteur de ce moment solennel. Comme chaque année, tout le pays tourne au ralenti, au rythme de l’évocation des morts, avec un douloureux sentiment d’effroi flottant dans l’air. Réputée ville austère et laborieuse, se levant et se couchant tôt, Kigali devient à cette période de l’année encore plus mélancolique pour l’observateur étranger. Elle se drape de violet, couleur de deuil chez les Banyarwanda, et toute manifestation de joie y est proscrite. Seule la musique langoureuse des gospels est tolérée. Les grilles de programmation de la télévision (publique) et des radios privées sont entièrement modifiées, exclusivement dédiées à l’événement : témoignages de rescapés, de veuves, d’orphelins…
Mais évoquer le génocide, c’est également rappeler l’incompréhensible attitude de la communauté internationale, qui a abandonné les Tutsis à la furie meurtrière des milices Interahamwes. C’est rappeler la décision des Casques bleus de se retirer de Nyanza, en laissant sans défense plus de 5 000 Tutsis venus se mettre sous leur protection, mais aussi les manœuvres ambiguës des troupes françaises de l’opération Turquoise, comme le silence coupable des membres du Conseil de sécurité des Nations unies… Autant de souvenirs difficiles qui, aujourd’hui, pourraient nourrir l’acrimonie des Rwandais envers le reste du monde. Mais on ne trouve chez eux aucune trace de xénophobie. L’umuzungu, l’homme blanc, peut arpenter les collines de Kigali sans crainte d’une quelconque manifestation d’hostilité. La capitale rwandaise est l’une des villes africaines les plus sûres, même s’il vaut mieux ne pas laisser son téléphone portable à la portée des pickpockets.
Le deuil ne résout pas le problème de la petite délinquance, mais il n’empêche pas l’impeccable entretien de la ville. De Nyamirambo à Nyarugenge (les deux collines historiques de la cité), des veuves du génocide se chargent de l’évacuation des ordures ménagères. Organisées en association, elles ont bénéficié de crédits bancaires pour acheter des camions et recruter des mécaniciens. Tandis que d’autres associations de victimes du génocide se sont transformées en PME pour l’entretien des magnifiques espaces verts de Kigali. Les machettes qui servaient hier à élaguer des vies ont donc retrouvé leur fonction première : tailler les arbres et les arbustes… Par ailleurs, l’explosion de l’immobilier et des services a donné des allures de modernité à la ville, qui lutte contre la pauvreté à sa manière, en détruisant les bidonvilles et en proscrivant de marcher pieds nus. À Kigali, si on a le droit d’être pauvre, on a d’abord le devoir d’être propre et présentable.
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